Concerts

L’ouverture d’un riche dialogue aux Carmélites

Olivier Bellamy et Mūza Rubackyté à la chapelle des Carmélites - Photo- JJ. Ader -

Le 19 juin dernier s’ouvrait la 6ème édition de Musique en dialogue aux Carmélites. Consacré cette année aux mécènes qui ont aidé les musiciens au cours de l’histoire, ce programme estival poursuit sa série originale d’échanges fructueux entre textes et musiques. Pour son ouverture, la précieuse chapelle des Carmélites recevait la grande pianiste lituanienne Mūza Rubackyté ainsi que l’écrivain Olivier Bellamy promu une fois encore au rang de récitant.

Chaque rencontre de cette série se consacre à une ou un mécène ayant joué un rôle important dans la création ou la diffusion de l’art en général et de la musique en particulier. Lors de ce dimanche de canicule, le dialogue s’établit autour de la mécène marseillaise Lily Pastré qui répandit ses bienfaits jusqu’à sa disparition en 1974. Expert de la vie et de l’action de cette riche actrice de la vie culturelle, Olivier Bellamy est l’auteur d’un ouvrage passionnant intitulé La Folie Pastré, la comtesse, la musique et la guerre. Puisant dans cette passionnante biographie particulièrement bien documentée, il expose les étapes de cette existence hors du commun. Il brosse ainsi un portrait saisissant de cette riche héritières des vermouths Noilly-Prat, née à Marseille. On apprend ainsi que tout au long de son existence, ce « torrent de bonté » a soutenu les artistes et notamment ceux qui furent touchés par la guerre. Protégeant les musiciens juifs menacés, elle a nourri les compositeurs et pris en charge les soins des malades.

Olivier Bellamy – Photo JJ. Ader –

Ses interventions de récitant pleines de finesse, d’érudition et d’humour alternent avec les éléments d’un programme musical intelligemment conçu et admirablement animé par Mūza Rubackyté. Subtilement liée aux anecdotes peu à peu dévoilées, chaque partition interprétée complète ce tableau d’une époque et d’une action bienfaisante.

S’ouvrant sur une vision intense de l’Andante cantabile de la Sonate K 430 de Mozart, l’amour éternel de Lily Pastré, le fameux Clair de lune, extrait de la Suite Bergamasque de Claude Debussy, illumine de ses couleurs le paysage intérieur. Le jeu de la pianiste, son toucher, s’adaptent admirablement à chaque pièce abordée. Ainsi, on se réjouit des sonorités d’orgues qui accompagnent son interprétation du Prélude n° 3 “Pressentiment” du trop peu joué Louis Vierne.

Admirons la liberté, mais aussi l’inquiétude de son exécution de la belle Arabesque op 18 de Robert Schumann qui semble évoquer ici le portrait de la femme libre et passionnée que brosse peu à peu Olivier Bellamy. A l’opposé, la clarté, la transparence de la Sonate K 9 de Domenico Scarlatti éclaire peut-être une autre face de son caractère. Le contraste n’est pas mince avec le célèbre Prélude en do mineur de Sergueï Rachmaninoff et son impressionnante bouffée de romantisme. Le jeu quasi orchestral, symphonique même de l’interprète exalte de nouveau la face passionnée, indomptable de l’héroïne du jour.

Mūza Rubackyté – Photo JJ. Ader –

Connaissant la profonde affinité qui lie l’interprète à Franz Liszt, le compositeur hongrois ne pouvait être absent de ce portrait. Mūza Rubackyté confère une grâce et un lyrisme lumineux à la belle partition extraite de la première des Années de pèlerinage : Les cloches de Genève. En revanche, la transcription par Liszt du lied de Schubert, Die junge Nonne, génère une profonde angoisse parfaitement assumée et maîtrisée.

Héroïque et noble, l’exécution de la Fantaisie en fa mineur op 49, de Frédéric Chopin, conclut un instant ce beau déploiement de pièces inspirées et bien en situation.

L’enthousiasme du public rappelle en effet les deux protagonistes de ce dialogue et donne à la pianiste l’opportunité de prolonger son incursion dans l’œuvre de Chopin dont elle offre un dernier Prélude.

Ce premier des dialogues de la saison se conclut donc sur un grand succès qui devrait inciter les mélomanes à venir découvrir de nouveaux portraits de mécènes : les 2 et 3 juillet, Monsieur de la Popelinière, riche soutien de Jean-Philippe Rameau, sera suivi, le 24 juillet de l’évocation de la Baronne Nadejda von Meck, célèbre mécène de Tchaïkovski, et le 28 août de celle de Winaretta Singer, Princesse de Polignac qui aida de nombreux artistes de la fin du XIXème siècle et du début du XXème.

Rappelons que tous ces spectacles sont des créations inédites dont le public toulousain a la primeur !

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