En septembre 2010, le chef estonien Paavo Järvi deviendra directeur musical de l’Orchestre de Paris, héritier en 1967 de la prestigieuse Société des Concerts du Conservatoire.
Riche saison 2008/2009 que celle de cette prestigieuse phalange française. Pas moins de 43 concerts dans la capitale pour 27 programmes différents. Les rendez-vous incontournables sont nombreux. A titre d’exemples, le 2 décembre, Pierre Boulez dirigera l’intégrale de L’Oiseau de feu, d’Igor Stravinski sous la Pyramide du Louvre, le 10 décembre, cette phalange rendra hommage à Olivier Messiaen en donnant sa monumentale Turangalila Symphonie sous la direction de son patron actuel, Christoph Eschenbach, le 4 mars 2009, sous cette même direction, l’orchestre accompagnera Thomas Hampson dans les sublimes Lieder eines fahrenden Gesellen, cycle suivit de l’exécution de la 5ème symphonie du même compositeur, Mahler.
Pour l’heure, montait au pupitre le chef estonien Paavo Järvi dans un programme Debussy (Prélude à l’Après-midi d’un faune), le second concerto pour violon de Serge Prokofiev et le Concerto pour orchestre de Béla Bartók.
Roland Daugareil et le chef estonien Paavo Järvi ( Photo : Gérard Uféras)
Dès les premiers mélismes de la flûte traversière s’envolant dans l’espace d’une parfaite acoustique de la Salle Pleyel rénovée (2006), on pressent à juste titre que l’apesanteur va nous gagner et que ces douze minutes incroyables (bissées lors de la création) vont être le prélude à une formidable rencontre musicale.
Il y aurait beaucoup à écrire sur le second concerto de Prokofiev, composé à Paris et créé à Madrid en 1935, œuvre charnière entre l’Occident où le compositeur s’était réfugié et l’URSS, sa patrie, cette terre qui lui manquait tant et vers laquelle il retournait. Chostakovitch disait au sujet de ce retour que « Prokofiev s’est fait avoir comme un rat ». Vrai et faux à la fois. L’écoute de ce concerto peut, par le classicisme qu’il développe, donner à penser que Prokofiev a abandonné les hardiesses de ses premières compositions, mais quelques allusions au premier concerto pour violon disent bien que la braise brûle toujours, des pizzicati agressifs font leur apparition et le final de l’Allegro ben marcato est tout sauf une concession au formalisme alors requis par l’intelligentsia bolchevique… Sur un Stradivarius de 1708, le célèbre Txinka, le premier violon solo de l’Orchestre de Paris, Roland Daugareil, joue cette partition aux mille reflets et interrogations avec une maîtrise fascinante. Sous un véritable tonnerre d’applaudissements, il donnera en bis, comme un écho à la pièce liminaire de ce concert, le premier mouvement, baptisé L’Aurore, de la 5ème sonate d’Ysaye (1858-1931).Un moment d’élection inoubliable.
Pour clore ce rendez-vous musical, rien moins que le gigantesque et infernal Concerto pour orchestre de Béla Bartok. Créée à New York en 1944, cette composition, bourrée de sous entendus anti soviétiques, en particulier à l’encontre de Chostakovitch, est d’une incroyable opulence orchestrale qui impressionna jusqu’à Stravinski lui-même. Paavo Järvi fait donner son meilleur à une phalange dont l’ampleur et les couleurs, la virtuosité et les dynamiques, amènent le Presto du Finale à des sommets vertigineux. Grandiose !