Concerts

L’intense Neuvième symphonie du Nouvel An

L'Orchestre national du Capitole, le double chœur et les quatre solistes dirigés par Tarmo Peltokoski - Photo Classictoulouse -

L’Orchestre national du Capitole et son Directeur musical Tarmo Peltokoski ont décidé de célébrer le Nouvel An 2025 avec une série de trois concerts dédiés à Beethoven. Ils ont choisi de fêter ainsi le bicentenaire de son ultime symphonie, l’emblématique Neuvième, dont la création a eu lieu le 7 mai 1824 à Vienne. La foule des mélomanes toulousains a, sans surprise, répondu avec enthousiasme à cette triple invitation. A commencer lors de la première exécution, le soir du 31 décembre, à laquelle a assisté le signataire de cette chronique.

On connaît maintenant la grande maîtrise et la ferveur de Tarmo Peltokoski à l’égard des vastes architectures musicales. Sa direction de la Symphonie n° 2 « Résurrection » de Gustav Mahler en ouverture de saison, l’a largement démontré. Il renouvelle l’expérience avec cette approche à la fois monumentale, intense et personnelle d’un chef-d’œuvre universellement célébré.

Tarmo Peltokoski – Photo Classictoulouse –

Pour se rapprocher probablement des circonstances historiques et en même temps rechercher les équilibres sonores adaptés à l’œuvre, le chef a choisi une disposition des pupitres de l’orchestre différente de l’architecture habituelle. Les cordes se déploient de gauche à droite autour du podium du chef dans un ordre particulier : tout d’abord les contrebasses et les premiers violons, puis les violoncelles, les altos et enfin les seconds violons. En revanche, les vents et les percussions occupent leurs places habituelles. Pour le mouvement final, un double chœur est sollicité. Au Chœur de l’Opéra national du Capitole, dirigé par Gabriel Bourgoin, se joint le Chœur de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie, dirigé par Noëlle Gény.

Les quatre solistes invités sont la soprano franco-danoise Elsa Dreisig, la mezzo-soprano finlandaise Tuija Knihtilä, le ténor également finlandais Tuomas Katajala et la basse allemande Albert Dohmen.

Les quatre solistes. De gauche à droite : la soprano Elsa Dreisig, la mezzo-soprano Tuija Knihtilä, le ténor Tuomas Katajala et la basse Albert Dohmen – Photo Classictoulouse -.

Précisons que Tarmo Peltokoski dirige sans partition, témoignant ainsi de sa familiarité avec une œuvre qu’il s’approprie avec passion. Dès les premières mesures de l’Allegro ma non troppo, une énergie irrésistible émane de ses choix de tempi soutenus, d’une dynamique incisive et colorée qu’il impulse et à laquelle l’orchestre répond avec vigueur. Tout ce premier volet évoque un combat. Peut-être celui que mena toute sa vie le compositeur confronté aux plus cruelles adversités.

Un rythme souverain anime tout le Scherzo Molto vivace. Seul le Trio prend des allures de divertissement. Néanmoins, la vivacité ne retombe jamais. L’entrée sur scène du chœur et des chanteurs solistes se produit à ce moment central, permettant ainsi aux applaudissements, parfois un peu intempestifs, de ne pas interférer avec l’émotion du sublime Adagio molto e cantabile qui suit. La méditation développée dans ce troisième volet voile à peine la plainte et même l’inquiétude qui s’expriment ici avec pudeur. Cette profonde plage hors du temps est enchaînée sans interruption avec le cataclysme qui ouvre le mouvement final. La complexité de ce vaste déploiement est alors analysée avec un sens aigu des contrastes. Toute l’introduction évoque bien cette recherche fervente d’une certaine vérité. Le rappel des motifs des mouvements précédents aboutit enfin à l’énoncé du thème générateur, comme universel, que le chef dirige avec une ardeur fervente.

Le Chœur de l’Opéra national du Capitole et le Chœur de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie – Photo Classictoulouse –

Et c’est enfin la proclamation incitative de la voix pour une expression légitime de cette joie universelle invoquée dans le poème de Schiller. C’est à la grande basse Albert Dohmen qu’échoit ce rôle décisif. Il s‘en acquitte avec une noblesse et une intensité qui donnent le frisson. La réponse du chœur ouvre la succession des épisodes auxquels le chef confère une vitalité irrésistible, presque frénétique. L’implication du quatuor de solistes atteint les plus hauts niveaux aussi bien techniques qu’expressifs. La combinaison des voix s’avère parfaite, La pureté angélique de la soprano, Elsa Dreisig, la rondeur colorée du timbre de la mezzo-soprano, Tuija Knihtilä, l’héroïsme maîtrisé du ténor complètent parfaitement la profondeur vocale de la basse.

Tarmo Peltokoski conduit cette marche inéluctable vers la félicité universelle avec une intensité, une conviction fébrile de tout son être.

Les artistes au salut. A gauche les deux chefs de chœur, Gabriel Bourgoin et Noëlle Gény – Photo Classictoulouse, –

L’ovation qui lui est réservée s’adresse évidemment à l’ensemble des interprètes : les musiciens d’abord, bien sûr, mais également à la conjonction des deux chœurs et à chacun des deux chefs, Gabriel Bourgoin et Noëlle Gény. Les quatre solistes sont longuement acclamés.

La bonne année 2025 est enfin souhaitée à haute voix au public par tous les acteurs de cette belle soirée.

Serge Chauzy

Partager