Concerts

Les trois enfants prodiges

Mendelssohn, Alkan et Chopin possèdent en commun cette particularité d’avoir écrit des chefs-d’œuvre musicaux dans leur plus tendre enfance. Ils composent le programme des concerts de mai de l’Orchestre de Chambre. Ces concerts accueillent en outre un invité qui lui aussi a effectué tout jeune des débuts très remarqués. Le pianiste David Kadouch est ainsi le soliste de deux concertos aux destinées opposées. Si le 2ème concerto de Chopin n’est plus à découvrir, l’opus 10 d’Alkan reste une rareté absolue.

Le concert du 13 mai dernier s’ouvre sur la toute première des douze symphonies pour cordes conçues par le jeune Felix Mendelssohn, alors âgé de douze ans à peine. Cet émule de Mozart pour la précocité ne manquait certes pas d’imagination ni de savoir-faire musical. Sous la baguette de Gilles Colliard, cette partition pétillante débute dans la vigueur d’accents bien affirmés. Dans son mouvement central, elle manie les pizzicati de la plus étrange manière. Quant au final, il témoigne d’une animation particulièrement juvénile.

L’Orchestre de Chambre de Toulouse dirigé par Gilles Colliard – Photo Classictoulouse –

La découverte se prolonge avec le concerto pour piano et orchestre opus 10 n° 2 de Charles Valentin Alkan. La vie de cet étrange personnage connut une succession de périodes de célébrité et de retraits volontaires de la vie publique. Sa virtuosité pianistique l’amena à être comparé à Franz Liszt. Lors de ses éclipses passagères il se consacra à la composition. Sa disparition contribua à sa légende d’étrange personnage. Selon cette légende officielle, il mourut en effet à 74 ans d’un « accident domestique », écrasé par sa bibliothèque alors qu’il saisissait le Talmud !

Composé au cours d’un voyage en Angleterre en 1833, son Concerto da camera pour piano et cordes en ut dièse mineur, op.10 n° 2, demeura l’une des pièces favorites du compositeur. Alkan, qui n’était alors âgé que de vingt ans, dédia sa partition à Henry Field, compositeur et pianiste anglais qui en donna la première exécution à Bath, sa ville natale, le 11 avril 1834 (la critique parue dans la Bath and Cheltenham Gazette décrivit la pièce comme «particulièrement exquise pour la nouveauté de son style et de sa technique»). La grande difficulté pianistique de cette courte pièce en trois mouvements enchaînés témoigne du haut niveau technique qui devait être celui du compositeur comme celui du créateur de l’œuvre. David Kadouch y brille tout particulièrement, sans pour autant négliger le pouvoir expressif. Débutant par un Allegro moderato dans un style théâtral imposant, les échanges avec un ensemble de cordes plein de vigueur se poursuivent dans un Adagio profondément romantique et se concluent avec un retour à la grandeur et à la virtuosité digitale la plus extrême.

Le pianiste David Kadouch – Photo Classictoulouse –

Nettement plus familière, la partition du concerto n° 2 en fa mineur de Frédéric Chopin ne cesse de passionner les grands pianistes comme tous les publics. Le compositeur n’a que 19 ans lorsqu’il écrit ce concerto, chronologiquement le premier malgré le numéro qui lui a été attribué. Il est joué ici dans une version pour piano et cordes révisée par Gilles Colliard. Admirable de finesse et de sensibilité, le jeu de David Kadouch réalise un équilibre subtil entre éclat virtuose et délicatesse expressive. Tout ceci sans la moindre affectation superfétatoire. D’un naturel étonnant, son interprétation semble couler de source. La musique est là, dans sa vérité et son évidence. Dans le Larghetto central, le soliste assortit le ton de la confidence d’une éloquence pleine de tendresse. Le final ne tourne jamais à la démonstration technique. Même dans les déploiements les plus virtuoses, l’expression reste l’essentiel. En outre, le toucher chaleureux du pianiste sait se fondre habilement avec les sonorités des cordes.

Acclamé par un public heureux, David Kadouch revient pour un bis, un Prélude de Chopin, plein d’intériorité et de rêve. Un vrai plaisir !

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