Le concert Toulouse Guitare du 31 janvier dernier a réuni deux jeunes artistes en pleine ascension. Erika Otani et Virgile Barthe, tous deux nés en 2003, ont permis d’assister à l’éclosion de deux talents aussi remarquables que divers. Deux programmes d’une belle inventivité ont également révélé des répertoires musicaux originaux et peu explorés.
Ce soir-là, la salle du Sénéchal de Toulouse accueillait donc deux guitaristes de la génération montante découverts par la valeureuse équipe de Toulouse Guitare dont Thibaut Garcia dirige les investigations. Ces deux musiciens déjà aguerris se sont donc succédé devant un public curieux et enthousiaste, présentant chacun son programme spécifique.
Née au Texas en 2003 et ayant grandi à Tokyo, Erika Otani a découvert sa passion pour la guitare classique à l’âge de 9 ans. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle a décroché la 1ère place au concours prestigieux, le Japan Guitar Competition. Elle a récemment célébré la sortie de son premier album CD, « Erica ». D’autre part elle a été nommée boursière de la Fondation Yamaha Music en 2023. Erika Otani poursuit ses études à l’École Supérieure de Musique et Danse de Lille.
La jeune guitariste ouvre sa participation du 31 janvier sur une pièce virtuose du compositeur paraguayen Agustin Barrios Mongoré (1885-1944), intitulée Una Limosnita por el Amor de Dios (Une petite aumône pour l’amour de Dieu). Qualifiée également de « El último trémolo » (Le dernier trémolo) cette pièce met en évidence ce jeu typique des mandolinistes. Erik Otani en souligne la spécificité avec un naturel et une perfection digitale impressionnantes.
Suivent quatre partitions aussi diverses qu’originales. Après la belle éloquence de A Fancy du luthiste de la Renaissance John Dowland (1563-1626), dans un arrangement pour guitare de Tilman Hoppstock, l’interprète révèle une pièce rare du compositeur britannique Lennox Berkeley, sa Sonatina op. 52 n° 1. Légèreté et éclat se succèdent avec en particulier une plage touchante de confidence dans son mouvement lent. A la suite de l’étrange écriture de Drei Tentos, composé par l’Allemand Hans Werner Henze (1926-2012), Erika Otani distille pour terminer sa participation, le Nocturne op. 19 intitulé Rêverie, une douce complainte de l’Italien Giulio Regondi (1822-1872), joué avec son toucher de dentelle.
Virgile Barthe, qui prend la suite du concert, est né en juin 2003. Il a d’abord intégré le Conservatoire de Toulouse, où il a obtenu son Diplôme d’études musicales avec Benoît Albert. À 17 ans, il est entré au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris où il poursuit actuellement son cursus d’interprète. Il se forme en parallèle dans des master-classes et des stages auprès de grands noms de la guitare classique comme Judicaël Perroy, Marcin Dylla, Thibaut Garcia, Antoine Morinière et bien d’autres.
Virgile Barthe joue ce soir-là un programme musical tout aussi imaginatif. Il joue d’abord Saturnal, le premier mouvement de la suite Cadran lunaire du compositeur français Maurice Ohana (1913-1992) conçue initialement pour guitare à dix cordes. Son écriture moderne inclut quelques éléments de percussion parfaitement intégrés dans cette version à six cordes. Un retour vers Dietrich Buxtehude (1637-1707) illustre la rhétorique baroque de sa Suite en mi mineur pour clavecin, habilement transcrite pour la guitare, dont on admire surtout l’émotion qui se dégage de la Sarabande. La sensibilité du jeu de Virgile Barthe se manifeste ensuite avec la plus vive intensité dans trois des 555 sonates pour clavecin écrites par Domenico Scarlatti (1685-1757). Transcrites pour guitare, les Sonates K. 545, K. 213 et K. 492, ainsi jouées, donnent l’impression d’avoir été conçues directement pour l’instrument à six cordes !
Le guitariste conclut sa prestation avec l’étonnante Sonate n° 3 du compositeur américain d’origine serbe Dušan Bogdanović (né en 1955). Les trois mouvements enchaînés de cette partition explosent de couleurs. Ils entraînent l’interprète et les auditeurs dans un monde sonore nouveau.
Les deux « animateurs » de la soirée, revenus saluer, sont abondamment acclamés par un public conquis, au sein duquel on observe quelques élèves guitaristes manifester leur admiration…
A noter que le prochain concert de Toulouse Guitare aura lieu le dimanche 30 mars à 17 h à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. Il sera donné par le Croate Zoran Dukić et l’Italien Aniello Desiderio.
Serge Chauzy