Concerts

Les musiques du soleil

Le 27 octobre dernier, à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, l’orchestre « L’Enharmonie », fondé et dirigé par Serge Krichewsky (également hautboïste à l’Orchestre du Capitole), apportait son soutien à l’association joliment baptisée « Plus de soleil pour nos aînés ». Le concert était donné au bénéfice de cette équipe de bénévoles créée à la fin de 2009, comme nouvelle antenne de l’association « Hôpital Sourire » fondée, quant à elle, en 1995.

« Hôpital Sourire » se donne comme but d’assister et d’aider les enfants accueillis à l’Hôpital des Enfants du CHU de Toulouse. Sa nouvelle filiale, « Plus de Soleil pour nos aînés », est destinée à œuvrer en faveur des personnes âgées hospitalisées au sein du Gérontopôle du CHU de Toulouse. Une équipe de bénévoles s’active depuis sa création autour du projet culturel porté par le CHU afin de trouver les financements nécessaires à la mise en place des différentes activités indispensables au bien être de nos aînés. L’organisation de spectacles divers poursuit ce but. L’orchestre L’Enharmonie a répondu présent à cette demande.

L’orchestre L’Enharmonie, dirigé par Serge Krichewsky à l’auditorium
Saint-Pierre des Cuisines pour l’association “Plus de Soleil pour nos aînés” – Photo Classictoulouse –

Rappelons que cette nouvelle formation symphonique, qui reçoit le soutien de l’association AIDA, a vu le jour en 2011. Son originalité réside dans le fait qu’elle réunit des musiciens amateurs à l’expérience confirmée à un petit groupe de musiciens professionnels motivés de l’Orchestre national du Capitole. Deux personnalités représentatives de ce projet en sont à l’origine : Serge Krichewsky, musicien professionnel, hautboïste/cor anglais à l’Orchestre national du Capitole, co-fondateur des Clefs de Saint-Pierre, et Matthieu Mambrini, chercheur CNRS au Laboratoire de Physique Théorique de l’Université Paul Sabatier. Dès 2009 ils décident de se lancer dans une aventure musicale particulière. Ils proposent la création d’un orchestre de chambre (flûtes, hautbois, bassons, cors et cordes) pouvant être élargi ponctuellement à la formation symphonique complète selon le choix du répertoire. Le but de ce projet est triple : stimuler une pratique amateur de haut niveau par l’association d’instrumentistes confirmés mais exerçant une activité principale autre que la musique, favoriser les échanges entre le milieu des amateurs éclairés et les musiciens de l’ONCT, et explorer un répertoire élargi à des œuvres injustement négligées. Serge Krichewsky assure la direction musicale de l’orchestre.

La pianiste Nicole Bordes, soliste du concerto n° 9, “Jeunehomme” de Mozart avec l’orchestre L’Enharmonie dirigé par Serge Krichewsky – Photo Classictoulouse –

Comme il se doit, le concert du 27 octobre débute par une œuvre rare et récemment redécouverte, l’ouverture de l’opéra de Domenico Cimarosa, L’Olimpiade. L’orchestre, dans lequel cors, basson et hautbois rejoignent le quintette à cordes, y manifeste immédiatement ses qualités essentielles de précision, de justesse, de vivacité. Ces qualités témoignent de la progression d’une phalange qui n’a rien à envier à bien des formations professionnelles. Serge Krichewsky dirige cette partition pimpante et alerte dans l’esprit d’un Sturm und Drang bien dans son époque.

Le même esprit, avec une inventivité de chaque instant, imprègne toute la production symphonique de Joseph Haydn. Serge Krichewsky choisit de conclure le concert avec sa symphonie n° 84, en mi bémol majeur. Appartenant au cycle des six symphonies dites « Parisiennes », elle fut l’objet d’une commande des « Concerts de la Loge Olimpique », une institution maçonnique parisienne renommée. La forme classique y est transcendée par l’imagination fertile du compositeur qui confie un rôle important aux instruments à vent enrichis d’une flûte. L’orchestre et son chef en explorent les quatre volets avec esprit et finesse.

David Benetah, soliste des deux Romances de Beethoven, avec l’orchestre L’Enharmonie sous la direction de Serge Krichewsky – Photo Classictoulouse –

Entre ces deux pièces symphoniques, deux séries concertantes font intervenir des individualités complémentaires. Nicole Bordes est la soliste du fameux concerto pour piano et orchestre n° 9 de Mozart, dont l’intitulé de « Jeunehomme » a fait la notoriété. Mozart l’aurait écrit pour une pianiste française de passage à Salzbourg portant ce nom de famille. En fait l’identité de cette pianiste resta longtemps une sorte de mystère. Récemment le musicologue Michael Lorenz a suggéré que cette pianiste se serait appelée Louise Victoire Jenamy. L’enquête se poursuit… Nicole Bordes, jeu énergique et vigoureux, dialogue d’égale à égal avec un orchestre dans lequel les interventions des bois jouent ici aussi un rôle important. Les cadences solistes, notamment celle, tragique, de l’Andantino prennent une importance capitale.

Enfin, le premier violon de L’Enharmonie, David Benetah, est le soliste des deux Romances, en sol majeur et en fa majeur de Beethoven. Il y déploie une émouvante tendresse, une fine musicalité, conférant à ces pièces le caractère de musique de chambre qu’elles adoptent en commun avec un orchestre attentif et subtil.

Voici une belle contribution musicale et solidaire à la cause défendue par « Hôpital sourire ».

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