Concerts

Les musiques du plaisir

Pour le dernier concert de la saison de l’orchestre Les Passions, le 12 mai dernier en la chapelle Sainte-Anne, Jean-Marc Andrieu avait convoqué un répertoire totalement inédit. Ce bouquet d’œuvres datant probablement de la deuxième moitié du 18ème siècle provenait des archives de la petite ville d’Aiguillon nichée au confluent du Lot et de la Garonne.

Les membres de l’orchestre “Les Passions” à l’issue du concert donné dans

la chapelle Saint-Anne

Le fameux duc d’Aiguillon avait ramené ces documents de Paris lors de son retrait forcé des affaires politiques du royaume, en 1775. Nous devons la résurrection de ces partitions, endormies depuis cette époque, au talent aiguisé de dénicheur de Jean-Marc Andrieu. Particulièrement en verve pour présenter chaque pièce, le directeur des Passions ouvre ainsi le grand livre des musiques du plaisir, et néanmoins des musiques oubliées.

Le premier violon de l’ensemble, Flavio Losco, porte sur ses solides épaules l’essentiel du déferlement virtuose de partitions dédiées à la volubilité des cordes. Il assume cette lourde responsabilité avec un panache, une sûreté et une imagination musicale digne d’éloges. La soirée s’ouvre sur une « Simphonia del Signor Stamitz », une suite de danses qui recèle une touchante berceuse andante pleine de douceur. Impossible de savoir si le compositeur est bien Carl Stamitz, le plus célèbre de la dynastie, ou l’un de ses nombreux affiliés.

Efficacement soutenu par les cordes et le clavecin de l’ensemble, Flavio Losco se lance ensuite dans une série de pièces virtuoses, autant de défis lancés à la pratique du violon baroque qu’il possède à la perfection. Un splendide concerto pour quatre violons, d’un brillant compositeur anonyme, impose au soliste des traits d’une redoutable difficulté. Une brève « Symphonia del Signor Vivaldi » ravive la verve instrumentale du génial prêtre roux, alors que le largo du concerto pour violon d’André-Joseph Exaudet qui suit semble issu de la plume de ce même Vivaldi : Exaudet, l’auteur d’un fameux menuet que tout élève musicien a joué un jour ou l’autre et qu’Irina Bougès nous rappelle de son violon nostalgique devenu madeleine de Proust.

D’un certain Camerloher (serait-ce le bavarois Placidus von Camerloher ?), la sonate à quatre instruments semble imiter par instants le braiement de l’âne (!), alors que la soi-disant « Sinfonia del Signor Boeck » plus vraisemblablement composée par Johann-Christian Bach, confirme l’impressionnante imagination musicale le plus jeune des fils du cantor. Giuseppe Tartini, l’auteur immortel des fameux « Trilles du diable », conclut la soirée sur son « Concerto a 5 con violino principal », dans lequel l’effervescence digitale atteint des sommets que franchit sans encombre le soliste du concert.

Un grand bravo à l’ensemble des musiciens et à leur chef pour le plaisir qu’ils procurent ainsi à leur public.

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