Concerts

Les multiples couleurs des vents insolites

Les sept musiciens dans le Septuor de Paul Hindemith (à droite le trompettiste Hugo Blacher) - Photo Classictoulouse -

Les projets chambristes des musiciens de l’Orchestre national du Capitole se manifestent dans la succession des concerts des Clefs de Saint-Pierre. La quatrième rencontre de ce type, le 19 février dernier, réunissait pas moins de sept représentants de la famille des instruments à vent dans un programme original d’œuvres rares aux multiples couleurs. Une suite de combinaisons florales issues de quatre traditions nationales à découvrir !

Les sept musiciens présents ont prévu d’animer un voyage au sein de l’Europe du XXème siècle, de la France à la Bohème en passant par l’Allemagne et l’Angleterre. Rendons grâce à Sandrine Tilly, flûte, Louis Seguin, hautbois, Floriane Tardy, clarinette, Guillaume Brun, basson, Benoît Hui, cor, Victor Guemy, clarinette basse, et Hugo Blacher, trompette, tous membres éminents et appréciés de la formation symphonique toulousaine, pour leur imagination féconde.

Le nouveau Président de l’association Internotes qui gère les activités musicales des Clefs, Laurent Grégoire, son nouveau Vice-président, Jean-Sébastien Borsarello, se succèdent pour la présentation générale de la soirée. C’est ensuite à la flûtiste Sandrine Tilly d’entrer dans les détails de chaque pièce avec bonne humeur et humour.

Tout au long de ce concert, la virtuosité, la musicalité, la cohésion, l’équilibre sonore de chaque registre se manifestent en permanence. Saluons enfin « l’esprit d’équipe » de ce groupe, au sens presque sportif de l’expression !

Les membres du sextuor à vent. De gauche à droite : Sandrine Tilly, flûte, Louis Seguin, hautbois, Victor Guémy, clarinette basse, Guillaume Brun, basson, Benoît Hui, cor, Floriane Tardy, clarinette – Photo Classictoulouse –

C’est sur une pièce fringante de Jean Françaix (1912-1997) que s’ouvre la soirée. Ce représentant du style néoclassique éminemment… français a baptisé « Sixtuor », et non pas Sextuor, cette pièce pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et clarinette basse. L’une des caractéristiques particulières que l’on retrouve dans l’ensemble du programme est précisément la présence de la clarinette basse, à la belle profondeur sonore, plutôt rare dans ces formations. Les cinq mouvements de ce Sixtuor alternent la joie et la quiétude dans un jeu de discussion souriante.

Le premier changement de style s’opère sur le Septuor à vents en mi bémol majeur de l’Allemand Paul Hindemith (1895-1963). Composé en 1948 pour flûte traversière, hautbois, clarinette, clarinette basse, basson, cor et… trompette, l’intégration de cette dernière, jouée par Hugo Blacher, présente quelques étrangetés. Comme l’indique auparavant Sandrine Tilly, la trompette se distingue de l’ensemble des autres instruments. Elle semble jouer un rôle à part. Ainsi, elle se tait dans les deux mouvements indiqués Intermezzo, alors qu’elle participe à la joie qui émane des trois autres sections.

Les quatre interprètes du Divertimenti de Franck Bridge. De gauche à droite : Sandrine Tilly, flûte, Louis Seguin, hautbois, Guillaume Brun, basson, Floriane Tardy, clarinette – Photo Classictoulouse –

Un bref franchissement du « Channel » nous emporte vers l’Angleterre de Franck Bridge (1879-1941), un nom prédestiné pour une telle traversée ! L’effectif instrumental se réduit alors à celui d’un quatuor. Intitulée curieusement Divertimenti (et non Divertimento) pour flûte, hautbois, clarinette et basson, cette pièce étrange en quatre mouvements se structure de manière particulière. Seules les première et dernière sections sont jouées par les quatre musiciens, la Bagatelle finale évoquant d’ailleurs une course poursuite ou un jeu de cache-cache ! Le Nocturn se réduit à un calme duo entre le hautbois et la flûte, alors que le Scherzetto qui suit associe seulement la clarinette et le basson, dans une sorte de jeu allant jusqu’à la dispute.

La dernière pièce, probablement la plus intensément musicale, est l’œuvre du grand compositeur tchèque Leoš Janáček. Conçu vers la fin de sa vie, son Sextuor pour flûte/piccolo, hautbois, clarinette, cor, basson et clarinette basse, est sous-titré Mládí, qui signifie Jeunesse, sorte de clin d’œil nostalgique vers le passé. Comme toujours chez Janáček, l’expression musicale s’inspire des compositions traditionnelles ou folklorique de Bohème, comme l’accent d’un langage ancestral. L’émotion naît du choix des harmonies sensibles qui sont celles que l’on retrouve dans ses opéras comme Jenůfa, donné il y a quelques années à l’Opéra national du Capitole. Un grand moment de cette belle soirée.

Chaleureusement applaudis par le nombreux public de l’auditorium, les musiciens, de retour sur le plateau, reprennent le joyeux final, à la Francis Poulenc, du Sixtuor de Jean Françaix.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 19 février 2024 à 20 h à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse

  • Jean Françaix : Sixtuor pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et clarinette basse
  • Paul Hindemith : Septuor pour flûte, hautbois, clarinette, clarinette basse, basson, cor et trompette
  • Frank Bridge : Divertimenti pour flûte, hautbois, clarinette et basson
  • Leoš Janáček : Sextuor pour flûte, hautbois, clarinette, cor, basson et clarinette basse

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