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Les fastes vénitiens

L’ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, lance un grand projet coopératif de reconstitution d’une prestigieuse cérémonie de la Renaissance. Cette « Messe du Couronnement d’un Doge à Venise » est le résultat d’une coproduction de l’ensemble toulousain avec le Théâtre du Capitole et l’association Les Arts Renaissants. Comme ils l’avaient déjà pratiqué en juin 2010 lors d’une mémorable exécution des « Vespro della Beata Vergine » de Monteverdi, Les Sacqueboutiers s’associent avec le Chœur du Capitole. Cette fois, l’ampleur généreuse du programme envisagé réclame également l’apport indispensable de deux ensembles vocaux spécialisés, A Sei Voci et Scandicus, qui viendront assurer la cohérence musicale de l’exécution programmée pour le 9 mai prochain, dans la nef romane de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse.
La Sérénissime République de Venise a développé au cours de sa grande période de prospérité, une tradition de solennité des festivités officielles. Elle a fait appel aux artistes les plus compétents et les plus créatifs, peintres et musiciens, pour mettre en scènes ces festivités. Il s’agit cette fois d’évoquer les cérémonies fastueuses qui ont accompagné le couronnement du Doge Marino Grimani en 1595. L’idée de cette reconstitution coïncide avec le quatre-centième anniversaire de la mort de Giovanni Gabrieli (1557-1612), qui fut le grand compositeur officiel de cette période.

Ces festivités ont probablement culminé avec la messe célébrée en la sublime basilique Saint-Marc. La reconstitution de cette messe, imaginée par Jean-Pierre Canihac directeur artistique des Sacqueboutiers, respecte le déroulé liturgique (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Benedictus, Agnus Dei), au sein duquel sont intégrés plusieurs motets polyphoniques, du plain-chant, et des canzoni instrumentales que l’on doit essentiellement à Giovanni Gabrieli. Les chanteurs sont répartis en plusieurs groupes, (solistes, chœur, ripieno), ainsi que les instrumentistes qui peuvent dans cette configuration, illustrer à la fois l’espace nécessaire aux canzoni à double ou triple chœurs et assurer le « col la parte » indispensable à cette grande fresque musicale. La pluralité des sources sonores ainsi agencée dans l’espace, crée une dimension « stéréophonique » que Giovanni Gabrieli avait imaginée afin d’utiliser au maximum les vastes possibilités spatiales et acoustiques de la Basilique Saint Marc de Venise.

Les Sacqueboutiers et le Choeur du Capitole lors de la présentation des Vêpres de la Vierge, de Monteverdi en 2010 – Photo Patrice Nin –

Considéré par les spécialistes et par le public comme une référence pour l’interprétation de la musique instrumentale du XVIIe siècle, italienne et allemande en particulier, l’ensemble Les Sacqueboutiers collectionne les plus hautes récompenses décernées par la critique discographique. Nommé Ensemble de l’Année aux Victoires de la Musique 2008, il collabore avec de nombreux groupes instrumentaux et vocaux dans le but de participer activement à la redécouverte progressive des plus belles pages du patrimoine musical européen.

Depuis septembre 2009, le Chœur du Capitole, formé de 45 artistes permanents auxquels se joignent des choristes supplémentaires selon les besoins des productions, est placé sous la direction d’Alfonso Caiani. Il assure la saison lyrique du Théâtre du Capitole et se produit également lors de concerts dans les saisons du Théâtre et de l’Orchestre National du Capitole. En 2009/2010, il a participé au Festival international Toulouse Les Orgues avec des œuvres de Bach, Liszt, Mendelssohn et Franck, et a donc interprété les Vêpres de la Vierge de Monteverdi aux côtés des Sacqueboutiers.

Ensemble vocal français fondé en 1977, A Sei Voci s’est donné pour vocation de faire découvrir où redécouvrir des partitions – souvent inédites – de compositeurs de la Renaissance, du Baroque italien et de la musique vocale contemporaine. Dirigé par Jean-Louis Comoretto, il a acquis une réputation internationale dans le répertoire polyphonique ancien avec notamment les enregistrements des œuvres de Josquin Desprez et également dans la musique contemporaine. Soulignons néanmoins que les années de sècheresse culturelle que nous connaissons et qui ont mis à mal de nombreuses structures musicales atteignent maintenant A Sei Voci. Le retrait des soutiens publics qui lui permettaient de vivre l’entraîne à tirer sa révérence après 35 années de bons et loyaux services. Pensons à ses chanteurs lors de sa prestation toulousaine.

Fondé en 2001 en Midi-Pyrénées et dirigé par Dominique Rols, Scandicus s’inscrit dans une démarche de transmission des musiques anciennes. Du monochrome chant grégorien aux madrigalistes italiens en passant par le gothique flamboyant des polyphonistes franco-flamands, un éventail de répertoires et de couleurs musicales à redécouvrir jalonnent les sources musicales européennes. La configuration vocale de l’ensemble, du contre-ténor à la basse, permet de donner un éclat particulier à ces répertoires spécifiques destinés à l’origine aux voix d’hommes.

Le 9 mai, Toulouse est à l’heure vénitienne.

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