Concerts

Les découvertes du jeune Beethoven

Une fois de plus, les Clefs de Saint-Pierre explorent des territoires musicaux peu visités. Consacrer à Beethoven un concert de musique de chambre ne semble pourtant pas, a priori, relever d’une audace particulière. Néanmoins la soirée du 30 janvier dernier peut légitimement être qualifiée de soirée-découverte.

De gauche à droite : David Benetah (premier violon), Thomas Dazan (violoncelle),

Maïlyss Caïn (alto) et Olivier Amiel (second violon), interprètes du quatuor op. 18 n° 1 de Beethoven – Photo Classictoulouse –

Certes, le quatuor à cordes en fa majeur op. 18 n° 1, qui ouvre le concert, ne peut être considéré comme une véritable rareté. Ce premier d’une géniale série de seize n’est toutefois pas le plus souvent présenté. La partition, divisée en quatre sections bien individualisées, ne renie pas l’héritage du bon Papa Haydn. Et c’est bien ainsi que les jeunes musiciens, tous membres de l’Orchestre national du Capitole, l’abordent ce soir-là. Olivier Amiel et David Benetah, violons, sont déjà des habitués de ces belles soirées de musique de chambre. L’altiste Maïlyss Caïn et le violoncelliste Thomas Dazan, qui apparaissent dans ce cadre pour la première fois, se fondent parfaitement dans cet instrument si particulier à seize cordes que représente le quatuor. Leurs sonorités charnues complètent harmonieusement, dans un bel équilibre, la finesse des violons. L’Allegro con brio donne le ton. Celui de la légèreté aimable dans une variété d’expressions, de couleurs et de rythmes qui réjouissent l’esprit. Le poignant Adagio affettuoso ed appassionato suspend le temps, alors que le jeu et même l’humour animent le Scherzo. Un final de joie et de fête conclut l’œuvre sur un large sourire.

Maïlyss Caïn (alto) et Thomas Dazan (violoncelle) dans le « Duo des lunettes » de Beethoven – Photo Classictoulouse –

C’est dans la seconde partie qu’apparaissent les véritables raretés de jeunesse d’un Beethoven plein d’humour et de fougue. Composé pour l’usage personnel du compositeur et celui de son grand ami Nikolaus Zmeskall von Domanowecz, le fameux mais, tel l’Arlésienne, absent permanent des salles de concert, Duo pour alto et violoncelle « Mit zwei obligaten Augengläsern » (Avec deux paires de lunettes obligées) ouvre cette session. Maïlyss Caïn, jouant à l’alto le rôle de Beethoven, et Thomas Dazan celui de Zmeskall au violoncelle, entament alors une véritable discussion entre amis. Une discussion animée pleine d’imprévus, de disputes bougonnes, de développements musicalement élaborés. Un plaisir joyeux.

Les deux cornistes Arnaud Bonnetot et Thibault Hocquet (de gauche à droite) ont rejoint le quatuor à cordes pour ce Sextuor de Beethoven – Photo Classictoulouse –

Deux cornistes du pupitre de l’Orchestre viennent enfin se joindre au quatuor à cordes pour la découverte majeure de la soirée, le Sextuor pour deux cors et quatuor à cordes op. 81b. Datant de 1794, ce triptyque étonnant ne mérite en rien l’oubli dont il est l’objet. L’association des cors et des cordes s’y révèle parfaitement réalisée, alternant les oppositions de timbres et les fusions subtiles. L’Allegro con brio mérite bien son nom. Beethoven confie aux cors de magnifiques duos, ponctués de dissonances savoureuses. La virtuosité des traits et l’ample ambitus de l’écriture qui leur sont réservés en font une pièce exigente que les interprètes savent rendre profondément attachante. Thibault Hocquet et Arnaud Bonnetot y manifestent autant de précision et de beauté sonore que de vraie musicalité. L’Adagio élégiaque et touchant, le joyeux Allegro final complètent cette partition brillante et inventive. Un grand bravo aux musiciens qui permettent ainsi aux mélomanes de sortir des sentiers battus, pour leur plus grand plaisir.

L’accueil enthousiaste du public prolonge ce plaisir grâce à un extrait de Tafelmusik (Musique de table) de Georg Philip Telemann, joué en bis et qui permet ainsi aux six musiciens de participer.

Il faut enfin remercier Serge Krichewsky, par ailleurs membre éminent du pupitre de hautbois de l’Orchestre du Capitole, pour son habile présentation du programme de cette soirée. Une présentation riche de connaissances et d’anecdotes délicieuses qui témoigne de la profonde culture de ce musicien authentique.

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