L’originalité n’effraie ni les organisateurs des Clefs de Saint-Pierre, ni les musiciens… ni le public de ces concerts particulièrement conviviaux. Le 4 décembre dernier, à l’auditorium de Saint-Pierre des Cuisines, les basses prenaient donc la parole. Et elles n’ont pas manqué d’arguments pour la conserver.
La présentation imagée et truculente de Sylvain Picard, le virtuose tuba solo de l’Orchestre du Capitole, situe bien le défi. Les basses ont autant de choses à raconter que les « dessus », comme on disait à l’époque baroque. Alors, sans complexe le duo tuba contrebasse s’attaque à une suite en do majeur que Bodin de Boismortier composa en 1721 pour …deux flûtes. La très belle Laurène Durantel, contrebasse solo de l’Orchestre du Capitole, se joint à Sylvain Picard dans un duo où tous deux rivalisent de grâce, de légèreté et de virtuosité. Trilles et diminutions savantes ornent cette musique du plaisir fidèlement jouée.
Puis vient le tour de Vivaldi et de son concerto en ré pour flûte, violon et basse continue, dans lequel la contrebasse et le tuba prennent la place des instruments solistes et l’accordéon de Christophe Haunold, celle de la basse continue. Réjouissant négatif de l’œuvre originale où la basse continue joue la partie haute et les « dessus », la partie basse, en un étonnant renversement.
Trois partitions originales complètent ce programme festif. Dans les sonates pour tuba et piano de Paul Hindemith et de Bruce Broughton, Sylvain Picard est accompagné au piano par Laurène Durantel qui laisse un instant son archet pour le clavier qu’elle s’approprie avec une science, une virtuosité et une intensité dignes d’éloges. Tout le registre grave de l’instrument soliste est exploré avec une impressionnante rondeur sonore, aussi bien dans la cadence de la sonate d’Hindemith que dans l’allegro leggiero à la Prokofiev de la pièce de Broughton, dédiée au tubiste américain Tommy Johnson.
Un très beau duo pour contrebasse et accordéon de Nathanaël Malnoury conclut ce programme initial sur une pièce d’une belle richesse rythmique, au second volet très jazzy.
Le bis qui ne pouvait manquer de s’ajouter, « Morning Song » de Roger Kellaway, réunit les trois musiciens, décidemment multi-instrumentistes, avec au piano cette fois, l’accordéoniste Christophe Haunold.