Concerts

Les aventures fantastiques d’Alberich

Invités de l’Orchestre du Capitole, le dynamique chef finlandais John Storgårds et l’éblouissant percussionniste écossais Colin Currie réservaient une surprise étonnante au public du concert du 30 avril dernier.

Le chef d’orchestre
finnois, John Storgårds et le percussionniste écossais Colin Currie

lors de l’exécution de “Der gerettete Alberich” de Christopher Rouse

Sur le podium de la Halle-aux-Grains, hérissé des percussions les plus exotiques, était créée ce soir-là la Fantaisie pour percussion solo du compositeur américain Christopher Rouse, une fantaisie mystérieusement intitulée « Der gerettete Alberich » (Alberich sauvé) !

Le tout début de l’œuvre lève l’essentiel du voile. S’ouvrant sur les toutes dernières mesures du « Crépuscule des dieux » de Wagner (le thème de la rédemption), cette partition patchwork, puzzle provocant, illustre une sorte d’après-Crépuscule. Les wagnériens savent qu’à la toute fin de la Tétralogie, le gnome Alberich, celui qui précipite le monde dans cette immense tragédie, reste l’un des seuls survivants du drame. Eh bien, sans complexe aucun, Christopher Rouse imagine la suite. C’est là qu’intervient la percussion, tour à tour inquiétante, obsessionnelle, explosive. Truffée de citations, souvent précises, parfois détournées, de cet « Anneau du Nibelung », cette pièce déroule son dialogue entre un orchestre somptueux et un percussionniste virtuosissime qui court de la batterie jazzistique aux tambours, des cymbales au wood-block, de la grosse caisse au xylophone. Sur les derniers soubresauts des percussions, un silence angoissant vient progressivement conclure cette histoire hors du commun. Le triomphe justifié qu’obtient Colin Currie l’oblige à reprendre quelques mesures de sa partition soliste. Pour le « fun » !

Le programme de la soirée s’ouvrait sur une œuvre rare du genevois Ernest Bloch, son diptyque symphonique « Hiver-Printemps » créé en 1906. Sorte de synthèse entre les couleurs debussystes et une densité orchestrale plus germanique, la partition caractérise habilement les deux épisodes. L’hiver s’écoute comme une évocation nostalgique qui n’est pas sans rappeler l’« Ile des Morts » de Rachmaninov. Quant au printemps, gorgé de sève, il ménage d’impressionnants crescendos que le chef finlandais mène avec une science orchestrale et un lyrisme digne d’éloges.

Dans la très belle 3ème symphonie « Ecossaise » de Mendelssohn, trop rarement donnée, la direction de John Storgårds s’épanouit encore. Sa vision acérée de l’œuvre, son sens aigu de la dynamique, sans mièvrerie aucune, confère un relief impressionnant à la partition. Sur des tempi parfaitement définis, la symphonie éclate de vitalité, d’énergie. Que voici une interprétation pleine de caractère, soutenue par un orchestre aux sonorités incandescentes ! Un grand bravo à tous les pupitres, des cordes d’une cohésion parfaite aux cuivres rutilants, sans oublier le beau fruité des bois.

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