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L’effervescence musicale du Hong Kong Philharmonic Orchestra

Le Hong Kong Philharmonic Orchestre sous la direction de Jaap van Zweden - Photo Classictoulouse -

Le Hong Kong Philharmonic Orchestra célèbre cette saison ses 50 années d’existence avec une grande tournée internationale qui fait étape à Toulouse, à l’invitation de la saison Les Grands Interprètes. Ce 28 février, il était dirigé par le chef néerlandais Jaap van Zweden et accompagnait le jeune et grand pianiste français Alexandre Kantorow dans un programme propre à mettre en évidence la fervente complicité musicale qui lie tous les participants.

Jaap van Zweden, qui assume la fonction de directeur musical de l’Orchestre depuis la saison 2012/13, l’a accompagné dans l’ascension vers l’excellence artistique. Considéré comme l’un des meilleurs orchestres classiques d’Asie, le Hong Kong Philharmonic Orchestra et acquis la reconnaissance internationale, avec notamment son élection comme Orchestre de l’année par la revue internationale Gramophone.

De son côté, Jaap van Zweden multiplie les responsabilités auprès des grandes formations symphoniques internationales comme le New York Philharmonic Orchestra. Il vient en outre d’être nommé directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Radio France à partir de septembre 2026.

Le programme musical de la présente tournée, et donc du concert toulousain, associe la musique d’aujourd’hui aux grandes réalisations symphoniques. C’est d’ailleurs par une commande de l’Orchestre à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa création que s’ouvre la soirée du 28 février. Il s’agit d’une courte pièce de Daniel Lo Ting-cheung, l’un des jeunes compositeurs les plus actifs de Hong Kong. Intitulée, Asterismal Dance, cette partition pour grand orchestre est qualifiée par son auteur de « Scherzo fantastique ». Il s’agit d’une évocation sonore du ciel étoilé, du poudroiement des constellations, comme une sorte de prolongement dans le sillage de l’œuvre célèbre de Gustav Holst, Les Planètes. Un déploiement spectaculaire de couleurs et de rythmes caractérise cette pièce puissamment contrastée. Saluons au passage le rôle important joué par la timbale.

Le piano occupe ensuite le devant de la scène. Nous retrouvons avec un immense plaisir Alexandre Kantorow dont la carrière musicale connaît une ascension permanente. Ce brillant vainqueur du Concours international Tchaïkovski 2019, virtuose surdoué à la maîtrise technique impressionnante, aborde avec bonheur tous les répertoires possibles. Ce soir-là, il excelle à maîtriser la double virtuosité de la Rhapsodie sur un thème de Paganini pour piano et orchestre de Sergueï Rachmaninov, d’après le 24ème Caprice pour violon. Double car la virtuosité pianistique caractéristique de l’écriture du compositeur russe rencontre ici celle, réputée « diabolique », du violoniste italien.

Alexandre Kantorow, soliste de la Rhapsodie sur un thème de Paganini, de Rachmaninov – Photo Classictoulouse –

Ardemment soutenu par un orchestre brillant et une direction affûtée, le jeu d’Alexandre Kantorow étincelle de rythmes et de couleurs. Son impressionnante puissance de frappe ne l’empêche en rien de faire patte de velours lorsque la pièce le demande. Le pianiste sait doser avec finesse le caractère de chaque variation. La perfection technique ne masque en rien un pouvoir expressif permanent. L’acclamation qui salue sa prestation obtient un bis d’une grande originalité. L’improvisation sur l’un des airs les plus célèbres de l’opéra Samson et Dalila, de Camille Saint-Saëns, « Mon cœur d’ouvre à ta voix », que reprend Alexandre Kantorow, est paradoxalement signée… Nina Simone, la grande pianiste de jazz disparue en 2003, qui possédait une vaste culture musicale. Belle surprise à l’issue de cette première partie de soirée.

La seconde partie est consacrée à la Symphonie n° 1 en ré majeur de Gustav Mahler, sous-titrée « Titan » en référence au roman de Jean-Paul. Carrément « descendue en flamme » à sa création (un journal l’a qualifiée de « vulgaire et insensée ») cette partition est devenue la plus jouée, la plus appréciée des symphonies de Mahler. Jaap van Zweden aborde l’œuvre comme une vaste pièce de musique de chambre pour grand orchestre, avec une énergie impressionnante. Aussi tonitruante que puissent être certains accents, cette lecture prend soin de ménager de subtiles nuances : un decrescendo soudain ici, un phrasé souligné là…

Le chef d’orchestre néerlandais Jaap van Zweden – Photo Classictoulouse –

Ainsi, le premier mouvement, d’une savante complexité, s’illumine peu à peu comme une mosaïque que l’on dévoile. La direction prend le parti d’évoquer le poids d’une danse paysanne et débridée dans le deuxième mouvement. Le solo de contrebasse qui ouvre le troisième volet se moque de la marche funèbre qu’il est censé accompagner sur le thème de Frère Jacques (Bruder Martin en allemand). Solennité et interventions comiques ou curieuses de nombreux instruments solistes. Le final Stürmisch bewegt (Orageux et animé) s’ouvre sur l’un des plus impressionnants fortissimi de l’histoire de la musique. La vigueur orchestrale s’accompagne d’un développement presque rhétorique des thèmes. Là aussi les séquences cataclysmiques alternent avec les espaces de méditation. L’intervention décidemment impertinente du chant du coucou ponctue l’ensemble du développement. L’apothéose finale, habilement conduite, déclenche une acclamation enthousiaste du public.

L’Orchestre et le chef prolongent la soirée avec un bis tout feu tout flamme. La Danse slave n° 8, d’Antonín Dvořák, conclut le concert avec panache.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 28 février 2024 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse

  • Daniel Lo Ting-cheung : Asterismal Dance
  • Sergueï Rachmaninov : Rhapsodie sur un thème de Paganini
  • Gustav Mahler : Symphonie n°1 en ré majeur, Titan.

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