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Le grand souffle

Le grand chef italien Daniele Gatti, récemment nommé directeur musical de l’Orchestre National de France, entame avec sa nouvelle formation symphonique une tournée qui vient de faire escale à Toulouse. Brahms et Bartók étaient au programme de leur concert du 16 octobre dernier.

Daniele Gatti, nouveau directeur
musical de l’Orchestre National de France

(Photo Primo Gnani)

Depuis sa participation très remarquée au festival de Bayreuth de l’été dernier, où il dirigeait « Parsifal », Daniele Gatti s’est fait une réputation justifiée de grand chef « germaniste ». L’image du musicien latin extraverti et agité lui est totalement étrangère. S’il fallait lui trouver une filiation avec les grandes figures du passé, il faudrait écarter celle d’Arturo Toscanini pour évoquer plutôt la mémoire d’un Carlo Maria Giulini.

Le « Brahms » de Daniele Gatti s’épanouit dans la grandeur, respire sur les hautes cimes, vise les horizons lointains. Il construit des interprétations sur la durée, sur la réflexion. Ainsi, le tempo très étiré du choral de Saint-Antoine par lequel il aborde des « Variations sur un thème de Haydn » surprend. Jusqu’à l’explosion de la Variation V, comme emportée dans un tourbillon irrésistible. Le retour vers une solennité recueillie éclaire enfin l’agogique de la construction.

Dans la première symphonie du même Brahms, l’Orchestre National, galvanisé par l’intensité maîtrisée du chef, se surpasse. Un souffle impressionnant parcourt toute l’œuvre dès la scansion introductive de la timbale jusqu’à l’explosion finale. Quelle que soit la lenteur des tempi (ou devrait plutôt parler de largeur des tempi), une tension constante soutient implacablement le discours. Le complexe mouvement final sonne ici comme un grand poème épique. Une émotion profonde accompagne la naissance du fameux thème final, résurgence suggérée de l’Ode à la joie beethovénienne. Conclusion irrésistible, d’une effervescence communicative.

Le pianiste Jean Efflam Bavouzet, brillant interprète de Bartók (Photo Guy Vivien)

Bela Bartók, avec son premier concerto pour piano, venait s’insérer dans le discours brahmsien. Cette partition visionnaire, hérissée de difficultés de tous ordres, établit un dialogue fructueux entre le piano et une percussion d’une foisonnante richesse. Les vents jouent ici le rôle prédominant du discours orchestral. Le trop rare Jean Efflam Bavouzet prend l’œuvre à bras le corps, embrasant ses interventions solistes fulgurantes. Il déploie ici un toucher d’une transparence aveuglante, d’une fluidité percussive. L’énergie de son jeu sait aussi faire patte de velours. Secondé par un orchestre rutilant il imprègne l’œuvre de climats contrastés, de la tension presque insoutenable du premier volet à la lutte implacable du final, en passant par l’angoisse du mouvement central.

Un reste d’adrénaline sous-tend son interprétation de « Reflets dans l’eau », de Debussy brillamment joué en bis.

L’arrivée de Daniele Gatti à la tête de la belle phalange parisienne donne donc de bien beaux premiers fruits !

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