Concerts

L’archet magique, divin et un peu diabolique !

Les concerts à l’Orangerie de Rochemontès ont connu, ce dimanche 18 mai, une confirmation supplémentaire de leur originalité. Le violoniste David Grimal, seul en scène, invitait le public des habitués à un voyage musical d’une intelligence, d’une force expressive et d’une sensibilité rares. Il organisait ainsi un dialogue fructueux entre Johann Sebastian Bach et quelques un des grands compositeurs du XXème siècle attirés, comme leur illustre prédécesseur, par la pratique de l’archet solitaire.
Si David Grimal fait beaucoup parler de lui actuellement du fait de son beau projet avec l’ensemble orchestral Les Dissonances, il ne faudrait pas oublier qu’il reste l’un des grands violonistes français, l’un des grands violonistes tout court, de notre temps. Sur son impressionnant Stradivarius de 1710, il pratique une approche « engagée » des musiques qui le passionnent. Il possède en outre un talent de subtil conteur musical. Avec des mots simples, David Grimal suscite la curiosité, apporte les informations utiles à l’écoute qui suit. On entend trop rarement ce genre d’approche sans fard, sans pédanterie de ce que nous dit la musique.

Le violoniste David Grimal à l’Orangerie de Rochemontès © Céline Lamodi

L’essentiel reste évidemment l’action musicale. L’imagination de l’interprète lui dicte donc, cette fois, l’organisation d’un programme basé sur le dialogue entre les époques et les styles. Bach le grand constitue le socle sur lequel se construit cet édifice étonnamment harmonieux. Ainsi, entre deux Adagios de sonates du fondateur de notre musique occidentale, David Grimal déchaîne les fureurs du Tempo de ciaccona de la Sonate de Béla Bartók. Entre l’intemporel Adagio de la première Sonate en sol mineur de Bach, qui ouvre le concert, et ce premier mouvement de la partition commandée à Bartók par Yehudi Menuhin, la transition se produit avec subtilité et finesse, avec une profonde logique musicale. Quelle richesse expressive et harmonique, quel déploiement de couleurs et de parfums d’Europe centrale dans ce Bartók tout imprégné du désespoir des derniers instants !

A l’Adagio de la troisième Sonate de Bach répond la partition que l’organiste Thierry Escaich a composée en 2001 à l’intention de David Grimal, « Nun komm ». Ces premiers mots du célèbre choral de Bach « Nun komm, der Heiden Heiland » (Viens maintenant, Sauveur des païens) suggèrent immédiatement la filiation dont se réclame cette œuvre stupéfiante, et dont les explosions de lumière évoquent une effervescence, et même une révolte.

Le retour à Bach se fait sur le miraculeux Andante de la deuxième Sonate en la mineur. David Grimal en souligne avec légèreté le rythme apaisé, comme les battements d’un cœur serein. Une nouvelle transition aboutit au déploiement d’arpèges et d’accords d’un lyrisme désespéré de la troisième Sonate d’Eugène Ysaÿe. Intitulée Ballade, cette pièce virtuose est suivie du dernier retour à Bach. Et c’est sur la monumentale Chaconne de la deuxième Partita, en ré mineur, que s’achève ce voyage passionnant. L’interprète franchit avec ardeur l’accumulation des difficultés, techniques autant que stylistiques, que le compositeur a imaginée ici.

Tout au long de ce concert, David Grimal délivre un Bach sanguin, chaleureux, imaginatif, doté d’un élan volontaire et fervent. L’accueil enthousiaste du public obtient un bis qui nous ramène à la Sonate de Bartók. Avec son troisième mouvement, intitulé « Melodia », un concentré de nostalgie douloureuse, le compositeur semble atteindre le fond du désespoir de son exil de fin de vie. La sensibilité pudique de l’interprète en exalte la profondeur de l’émotion.

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