Le 24 mars dernier le Consort Apollon présentait son nouveau programme instrumental et vocal consacré à l’un des genres les plus en vogue durant la Renaissance italienne, le madrigal. Cette redécouverte d’un raffinement extrême réunissait, sous les voûtes de la belle église Saint-Nicolas de Toulouse, les musiciens et les chanteurs de cet ensemble fondé, il y a trois ans, par le jeune chef d’orchestre, claviériste et chanteur, Clément Lanfranchi.
Rappelons que Clément Lanfranchi, né à Toulouse, a passé treize années au Conservatoire National de Région de Toulouse, et obtenu trois Premiers Prix (Piano, Musique de chambre, et Direction de Chœur). Il a également été lauréat de plusieurs concours internationaux. Attiré par la direction d’ensembles, il a étudié le chant choral et la direction de chœur auprès de Rolandas Muleïka en intégrant successivement la Maîtrise grégorienne, l’Ensemble Chœur adulte et l’Ensemble vocal de Musique anciennes au sein du Conservatoire.
Après l’interruption de ses activités musicales imposée par la situation sanitaire, le Consort Apollon a repris avec ferveur et enthousiasme la série de ses concerts. Ce 24 mars, l’église Saint-Nicolas de Toulouse, devenue le lieu favori de résidence de l’Ensemble, reçoit donc six chanteurs et huit musiciens, avec cette particularité que douze artistes seulement se présentent devant le public ! Il faut préciser que deux de ces interprètes occupent à la fois des fonctions vocales et instrumentales. C’est le cas de Clément Lanfranchi qui, outre la direction et la maîtrise des claviers (clavecin et orgue), chante le registre de « taille » qui correspond aujourd’hui au ténor grave ou baryton aigu, ou encore au baryténor. Mais cette double fonction est également le cas de Camille Suffran qui chante la voix de dessus (soprano) et joue également le violon. Bravo à eux !
La section vocale réunit donc Eva Tamisier et Camille Suffran, dessus, Charles d’Hubert, contre-ténor, Clément Lanfranchi, taille, Timothé Bougon et Lucas Sonzogni, basses. L’ensemble instrumental est constitué de Benjamin Borhani et Camille Suffran, violons, Mathilde Cattin, alto, Joël Sitbon et Garance Colliard, viole de gambe, Sophie Castellat, basse d’archet, Nicolas Colliou, théorbe, et Clément Lanfranchi, orgue et clavecin.
Le genre madrigal, dans lequel poésie et musique se mêlent, constitue l’essentiel du programme de ce concert. Deux noms émergent de ce riche vivier de compositeurs, celui de Claudio Monteverdi, considéré comme le fondateur du genre opéra, et le novateur Carlo Gesualdo, par ailleurs assassin de son épouse…
La série des madrigaux sublimes présentés ce soir-là et commentés par Clément Lanfranchi, brosse un riche portrait de Monteverdi. La sensualité de « Con che suavita labra », chanté avec sensibilité par Eva Tamisier, est suivi du célèbre « Lamento d’Ariana », auquel les interprètes donnent de la vie, de la chair, sublimant la douleur portée par cette géniale polyphonie. Les deux sopranos prolongent ces affects dans la Romanesca a due voci « Ohimè, dov’è il mio ben ?». Le concert se conclut sur le plus spectaculaire des madrigaux de Monteverdi : « Altri canti d’Amor, tenero arciero », animé et dramatique, utilisant cette technique spécifique de vocalisation particulièrement assumée par la soprano Eva Tamisier et la basse Timothé Bougon.
Au cœur de cette soirée une double pépite resplendit avec les deux pièces extraites des Madrigali a cinque voci a capella de Carlo Gesualdo : « Io parto e no piu dissi », et « Beltà poi che t’assenti ». Les harmonies incroyables de ces pièces, l’audace des modulations imaginées par ce Schönberg du seizième siècle, précurseur de l’atonalisme (!), donnent le frisson. Un grand bravo aux chanteurs pour avoir relevé ce défi !
Alternant avec ces pièces vocales, trois partitions purement instrumentales témoignent du raffinement de ce répertoire. La Canzon III a 6, du grand Giovanni Gabrieli qui ouvre le concert conjugue finesse et richesse polyphonique, alors que Nicolas Colliou dévoile avec raffinement la Toccata seconda, pour théorbe solo, du Vénitien Johannes Hieronymus Kapsberger. Précédant le madrigal final, la Sonata Decima Quinta à 4, de Dario Castello constitue une véritable démonstration de virtuosité instrumentale parfaitement exécutée.
Les applaudissements fournis d’un public charmé par ce programme et ses interprètes incitent les musiciens à reprendre la fin de cet ultime madrigal de Monteverdi « Altri canti d’Amor, tenero arciero ».
Signalons que ce programme a également été donné le 25 mars en l’église Notre-Dame de l’Assomption de Cazères.
Serge Chauzy