A l’occasion de la traditionnelle Fête de la Musique, la Préfecture de la Haute-Garonne accueillait les Toulousains et tous les curieux de passage à une manifestation exceptionnelle de l’ensemble de cuivres anciens de la ville rose, Les Sacqueboutiers. Il était prévu d’organiser ce concert dans l’imposante grande cour du beau bâtiment séculaire. Les conditions météorologiques plus que médiocres pour ce premier jour de l’été (!) en ont décidé autrement. Repliés dans la belle salle de l’orangerie, les quatorze musiciens qui constituaient ce jour-là l’ensemble ont attiré un public nombreux et ravi de l’aubaine.
Les instruments anciens, pratiqués de nos jours avec toute la maîtrise acquise par ces musiciens rompus à l’exercice, nécessitent toujours une présentation réclamée par le public. Jean-Pierre Canihac et Philippe Canguilhem se prêtent à l’exercice avec simplicité et pédagogie. Ils dévoilent ainsi les secrets d’une association du groupe des cuivres avec celui des instruments à anches doubles.
Jean-Pierre Canihac, co-directeur musical de l’ensemble Les Sacqueboutiers, présente les instruments anciens que pratiquent ces musiciens. Ici, le cornet à bouquin
– Photo F. Machicot –
Dans le premier groupe sont réunis les trompettes naturelles (instruments redoutables, ancêtres des trompettes à pistons), les sacqueboutes (ancêtres des trombones) et les cornets à bouquin dont l’espèce, qui a brillé de tous ses feux à la Renaissance, n’a pas eu de descendance avérée. Le second rassemble les chalemies et les doulcianes, ancêtres respectivement des hautbois et des bassons. Complété par un ensemble de percussions, un tel effectif de ces instruments, aujourd’hui en pleine renaissance, se trouve rarement ainsi rassemblé.
Les Musiques pour la Grande Ecurie d’Henri IV constituent le menu de cette fin d’après-midi pluvieuse, largement éclairée et réchauffée par l’ardeur des interprètes. Comme l’explique Philippe Canguilhem, musicologue et membre des Sacqueboutiers, ces musiques de plein air remplissaient une fonction d’apparat et animaient la danse. Après une ouverture basée sur la version à cinq voix de la célèbre pièce de Clément Janequin « La Guerre », ici luxueusement instrumentée, une série de danses composent un programme joyeux et virtuose : vaudevilles, bourrées, branles, gaillardes, gavottes se succèdent. Les groupes d’instruments s’interpellent, se répondent, font assaut d’ornementation et de virtuosité, dans un opulent déploiement de couleurs.
Les Sacqueboutiers pendant le concert de la fête de la musique dans l’orangerie de la Préfecture de la Haute Garonne – Photo F. Machicot –
La dernière partie du concert illustre le célèbre manuscrit musical établi par Philidor sur un ensemble d’œuvres de la cour d’Henri III jusqu’à celle de Louis XIV. Y figure une étonnante pièce qui introduit l’étrange et discrète guimbarde, ce petit instrument métallique joué entre les deux mâchoires par un percussionniste.
Trois pièces somptueuses complètent ce programme. Il s’agit de motets religieux, initialement destinés aux voix, ici transcrits pour douze instruments indépendants. Roland de Lassus, Hans Leo Hassler et Guillaume Boni (le maître de chapelle de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse) atteignent là une sorte d’apogée de la polyphonie, aussi richement colorée que les grandes partitions vénitiennes de Gabrieli.
Un grand merci aux musiciens, dont certains, compagnons fidèles venus de Catalogne, rejoignaient une fois de plus Les Sacqueboutiers pour cet hommage à la musique de la Renaissance. Et merci également au Préfet Henri-Michel Comet et à la DRAC pour leur invitation dans ce lieu chargé d’histoire, comme le Préfet a eu la bonne idée d’en brosser les grandes lignes en ouverture de soirée.