ARIEL RAMIREZ (1921-2010)
Fils d’une famille de musiciens, Ariel Ramirez, né à Santa Fe en 1921, suit dès son jeune âge des études classiques de piano et de composition au conservatoire national de Buenos Aires. Mais en parallèle, il se passionne et étudie les musiques des gauchos de la Pampa et de celles des communautés indiennes du nord de l’Argentine, de même que l’histoire et les formes du tango, car les traditions et les fêtes populaire le fascinent. A 20 ans, il rencontre Atahualpa Yupanqui, maître et chantre incontesté de cette musique traditionnelle, qui lui conseille de parcourir cette Argentine du Nord, mère des zambas, chacareras et carnavalitos. Il y rencontre le musicologue Justiniano Torres Aparecido avec qui il parcours ces provinces à la source du folklore argentin. Car le folklore dans ces pays reste une chose vivante. « Ce que nous appelons folklore, ce n’est pas l’accessoire, c’est l’essentiel. C’est ce qui définit notre identité. Le folklore est une matière vivante, nous n’avons jamais cessé de jouer de ces instruments , de cultiver ce que nous étions avant l’arrivée des conquistadors », explique le musicien Luis Rigou.
De 1950 à 1954, Ariel Ramirez poursuit ses études musicales en Europe, à Madrid, Rome et Vienne. De retour en Argentine, il collecte des chansons du folklore, rencontre et travaille avec les musicologues, les auteurs-compositeurs et interprètes de cette musique et fonde la Compañia de Folklore Ariel Ramírez. Il travaille avec des auteurs importants comme Feliz Luna et Miguel Brasco. Il compose également plus de trois cents chansons « criollistas » toutes très populaire en Argentine
Emiliano Gonzalez Toro – © Michel Novak
LA MISA CRIOLLA
C’est en 1963 qu’Ariel Ramírez, crée sa Misa Criolla, à la suite des travaux de Vatican II qui introduit le Novus Ordo Misae, par lequel le prêtre célèbre la messe face aux fidèles et dans la langue vernaculaire du lieu de célébration. Cette œuvre, certainement son œuvre majeure, pour solistes chœur et orchestre, s’inspire des rythmes traditionnels argentins et boliviens, utilisant les instruments populaires de ces pays : guitare, charango (instrument à cordes pincées utilisant une carapace de tatou comme caisse de résonance) et bombo legüero (grand tambour originaire du nord de l’Argentine, fait d’un tronc d’arbre évidé et de peaux de chèvre, dont on peut entendre le son, dit-on à « una legua », à une lieue). Car les traditions et les fêtes populaire fascinent le compositeur. La Misa criolla se construit sur cinq thèmes qui reprennent l’ordinaire de la messe. Le Kyrie ouvre l’œuvre sur un rythme de vidala-baguala, doux et mélancolique, originaire du nord-est argentin (Valles Clachakis). Pour le Gloria, Ariel Ramírez utilise un carnavalito, aux racines préhispaniques, pour une louange à Dieu joyeuse et animée soulignée par l’apport du charango, non sans glisser au centre de ce Gloria un yaraví, genre métis qui reprend des éléments à la fois incaïques et des poésies espagnoles du Moyen Âge et de la Renaissance, pour une pause lente et casi solennelle. Le Credo, certainement le passage musical le plus difficile de l’œuvre emprunte son rythme à la chacarrera trunca, originaire de Santiago del Estero au nord-este de l’Argentine, mais également de Bolivie. Le rythme obsédant du bombo répond à la guitare et au violon, comme se répondent solistes et chœur pour cette profession de foi. Pour le Sanctus, c’est au cœur du folklore bolivien que le compositeur est allé pour ce carnaval de Cochabamba, très rythmé, illustrant parfaitement ce moment de louanges au Seigneur « roi de l’Univers, les cieux et la Terre sont emplis de ta Gloire ». L’Agnus Dei emprunte le rythme doux et pourtant solennel de l’estilo pampeano du sud de l’Argentine, terminant cette messe par un message de communion et de paix. Pour mener à bien son projet, Ariel Ramírez s’entoura d’ « hommes de l’art » en la personne de trois prêtres, les R.P. Osvaldo Catena, Alejandro Mayol et Jesús Gabriel Segade, pour le choix du texte liturgique en espagnol. Ils s’arrêtèrent sur le texte présenté par les experts latino-américains et approuvés par le Vatican. Le compositeur avait ainsi réalisé cette œuvre d’inspiration profondément religieuse, hymne à la vie accessible au plus grand nombre, au-delà des croyances, des races ou des origines.
Ramon Vargas – ©Lou Valérie Dubuis
NAVIDAD NUESTRA
En octobre 1963 Ariel Ramírez réalisa son projet de compléter la Misa Criolla par toute une série de chants de Noël, ces villancicos introduit par les conquistadors espagnols, mais bien évidemment en utilisant toutes les ressources du folklore traditionnel argentin. Si pour La Misa Criolla, les textes étaient évidents, pour cette nouvelle œuvre, tous les textes étaient à écrire. Ainsi, un soir d’octobre, il appelle le poète Felix Luna pour lui proposer l’écriture des textes. Au petit matin, cinq des six chants de ce qui sera la Navidad Nuestra étaient pratiquement terminés. La musique sera, comme pour la Misa Criolla, conçue pour solistes, chœurs et orchestre. Il existera également une version pour chant et piano.
Les six chants reprennent le déroulé de la Nativité de l’Annonciation à la Fuite en Egypte. Ariel Ramírez a donné à chaque épisode un rythme évoquant une région différente.
La Anunciación (l’Annonce faite à Marie) est un chamamé, rythme traditionnel de la province de Corrientes, mais que l’on retrouve aussi au Paraguay. On y retrouve des éléments culturels des indiens Guarani, ainsi la Vierge Marie est désignée comme la plus belle « cuñatai », qui en guarani désigne une femme jeune et belle, et sa voix rappelle celle du « yerutí », la colombe. Le rythme est joyeux, entraînant, l’accordéon et la guitare sont les instruments traditionnels qui l’accompagnent. La Peregrinación (le Pèlerinage) est une huella pampeana. La huella désigne ici un sentier étroit tracé par le passage des chevaux ou des mules. Ici cette huella parcourt les immenses étendues de la Pampa. C’est ce paysage couvert de chardons et d’orties, que traverse Joseph et Marie à la recherche d’un abri pour l’enfant qui va naître, et qui ne trouverons qu’une cabane de paille.
El Nacimiento (la Nativité), emprunte le rythme tendre, nostalgique et lent de la vidala catamarqueña, cette danse du nord, de la province de Catamarca. La vidala peut présenter, selon les provinces, des différences de style. Los Pastores (les Bergers) est une chaya riojana, originaire de la province de La Rioja, un rythme allègre, pastoral, dont le texte et la mélodie ne sont pas sans rappeler les villancicos espagnols du siècle d’Or.
Los Reyes Magos (les Rois Mages) s’avancent sur le rythme trépidant d’un takirari, danse venues des hauts plateaux de Bolivie. Ces Rois Mages à offrent à l’Enfant Jésus , non pas l’or, la myrrhe et l’encens, mais « arrope, miel y un poncho d’alpaca real » : du moût de raisin, du miel et un poncho en laine d’alpaga. Pour La Huida (la Fuite en Egypte) on retrouve le rythme de la vidala, mais celle-ci est de la province de Tucumán. Triste, pathétique elle dépeint ici la fuite de la Sainte Famille, suppliant le petit âne qui les transportent d’aller plus vite pour ne pas se faire rattraper.
Cette Misa Criolla et cette Navidad Nuestra sont devenus des classiques du folklore argentin. Jouée pour la première fois en public en décembre 1965, l’œuvre d’Ariel Ramirez part en tournée en Europe et remporte un énorme succès, en particulier en France où elle est couronnée par le Grand Prix du Disque. Depuis son succès ne s’est jamais démenti. Plus de trente millions de disques ont été vendus par le monde. Le 12 décembre 2014, la Misa sera donnée à Saint Pierre de Rome, en présence du Pape François, lors des célébrations pour la Vierge de Guadalupe.
C’est Emiliano González Toro qui est à l’initiative du concert qui aura lieu au Théâtre du Capitole le 7 et 8 juin prochain. Le ténor, d’origine chilienne, est un habitué de la scène capitoline où il vient de participer à la création mondiale du « Voyage d’Automne » avec le succès que l’on sait. Participera également Ramón Vargas, légendaire ténor mexicain. La partie chorale sera assurée par les Chœurs de l’Opéra National du Capitole. L’orchestre qui les accompagnera regroupera les instruments de la version originale : deux guitares, un charango, un clavecin et un bombo, plus un violoncelle pour une version plus contemporaine. Les deux ténors interprèteront également un florilège de grands classiques latino-américains.
Théâtre du Capitole
7 décembre – 20h et dimanche 8 décembre à 16h.
Durée 1h30- Prix unique 30 €
Réservation : opéra.toulouse.fr – Tél : 05 61 63 13 13
Annie RODRIGUEZ