Le 24 mai dernier, le jeune et dynamique Directeur musical de l’Orchestre national du Capitole retrouvait à la Halle aux Grains sa nouvelle formation symphonique devant un public nombreux, enthousiaste et curieux. Un programme exigeant et éminemment symbolique marquait une étape supplémentaire de la belle collaboration qui se renforce à chaque rencontre entre les musiciens et leur chef.
Avant que ce concert ne s’ouvre, le représentant syndical des musiciens, Jean-Baptiste Jourdin, s’adresse une nouvelle fois au public, comme il l’avait fait lors du précédent concert du 15 mai dernier, pour évoquer les difficultés rencontrées à propos du financement des activités culturelles, et en particulier musicales, de la cité. Ce message d’alerte recueille d’ailleurs une fois encore une salve vibrante d’applaudissements de la part de l’ensemble du public, évidemment concerné, de la Halle aux Grains !
Le programme musical de cette fin d’après-midi se déploie ensuite, enrichi par les présentations et commentaires de Tarmo Peltokoski lui-même. Avec ardeur et humour, celui-ci salue tout d’abord (en français !) Toulouse et la France puis exprime (en anglais périodiquement traduit) son amour pour son pays d’origine, la Finlande, et son pays d’accueil auquel il rend hommage.
Le programme musical choisi se partage d’ailleurs équitablement entre les deux nations à travers quatre compositeurs emblématiques. Deux partitions françaises encadrent ainsi deux pièces finlandaises.

Une œuvre rare ouvre la séance. Le Tombeau resplendissant, d’Olivier Messiaen, est signé d’un jeune compositeur de 23 ans meurtri par le décès récent de sa mère. Il commente ainsi à son propos : « Cela craque, tourne, danse, clame, hurle : le vide entre en moi ». Cette révolte explose musicalement dès les premières mesures. Violence et passion animent l’une des deux faces de la partition. L’extrême douceur (image de la mère ?) caractérise l’autre face, avec notamment un solo de flûte particulièrement émouvant. La richesse de l’orchestration, les couleurs si caractéristiques de ce que sera l’écriture de Messiaen sont ici soulignées par la direction dynamique du chef et l’implication volontaire de chaque pupitre, de chaque musicien.
La première pièce de musique finlandaise qui suit est une œuvre de la compositrice Kaija Saariaho, disparue à Paris en 2023. Tarmo Peltokoski insiste sur le fait que cette belle personnalité a finalement adopté la France. Sa pièce, intitulée Ciel d’hiver, est inspirée par la froide saison finlandaise. Le « presque silence » qui s’instaure évoque les étendues glacées et le crissement de la neige sous les pas. Ce statisme musical s’accompagne d’un jeu subtil de timbres, habilement mené par les combinaisons sonores des différents pupitres instrumentaux. La poésie s’exprime ici au plus haut point.
Du compositeur et chef d’orchestre finlandais Esa-Pekka Salonen, la pièce suivante, intitulée Helix, illustre la géométrie symbolique de l’hélice ou de la spirale. Comme l’indique Tarmo Peltokoski, l’œuvre se joue de plus en plus vite et de plus en plus fort. Il précise même : « Et lorsque on ne peut plus jouer plus vite et plus fort, on s’arrête ! » Un immense et impressionnant crescendo occupe toute l’œuvre qui semble sans limite.

La dernière partition au programme est probablement l’une des plus connues du public toulousain, de tous les publics d’ailleurs. Le poème symphonique La Mer, de Claude Debussy, est au répertoire de l’Orchestre depuis des générations ! Cette symphonie qui ne dit pas son nom constitue une sorte d’emblème de la musique française dite « impressionniste », même si Debussy a réfuté cette qualification. Tarmo Peltokoski aborde l’œuvre sur la pointe de la baguette. Le premier volet, De l’aube à midi sur la mer, semble évoquer un réveil progressif. Le rythme de Jeux de vagues s’impose de lui-même. Sous la baguette du chef, l’atmosphère s’anime progressivement, de la menace jusqu’à la tempête, dans l’ultime section, Dialogue du vent et de la mer. La vitalité remarquable de l’exécution donne le vertige. L’accueil enthousiaste de l’assistance prolonge encore la soirée. Les applaudissements du public se mêlent à ceux des musiciens qui remercient ainsi chaleureusement leur chef.
Ce dernier, suivant une belle tradition, revient sur scène avec un bouquet de fleurs qu’il offre au percussionniste Christophe Dewarumez pour célébrer son départ en retraite. Souhaitons à notre tour une belle retraite à cet artiste infatigable qui a occupé ce poste stratégique pendant une quarantaine d’année.
Serge
Programme du concert :
- Olivier Messiaen : Le Tombeau resplendissant
- Kaija Saariaho : Ciel d’hiver
- Esa-Pekka Salonen : Helix
- Claude Debussy : La Mer