Le premier concert de l’année 2025 des Arts Renaissants recevait, le 7 janvier dernier, à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, un jeune trio de musiciens, le Trio Zeliha, fondé en 2018. Les membres de ce trio, la violoniste Manon Galy, le violoncelliste Maxime Quennesson et le pianiste Jorge González Buajasán, ont présenté ce soir-là un programme musical de la plus extrême exigence avec un enthousiasme communicatif.
Née à Toulouse où elle a menée l’essentiel de ses études musicales, Manon Galy ouvre la soirée en exprimant sa joie d’être de retour « chez elle ». Elle présente ses deux complices et amis du Trio Zeliha ainsi que le programme de la soirée qui débute avec le Trio n° 2 en mi bémol majeur D. 929 de Franz Schubert.
Lorsqu’il a conçu cette œuvre, le compositeur, alors gravement malade, âgé de seulement 30 ans, était déjà en fin de vie. On ne peut qu’admirer l’énergie vitale qui ouvre le premier volet Allegro de la partition. Une énergie que les interprètes soulignent avec ardeur. Même si parfois le piano, magnifiquement joué par Jorge González Buajasán, a tendance à dominer la sonorité de l’ensemble, la complicité entre les musiciens conduit à alterner les passages joyeux et dramatiques qui se succèdent. L’Andante con moto exhale une sorte de complainte à la « Wanderer ». La tragédie du Voyage d’hiver n’est pas loin.
Le Scherzo : Allegro molto ménage une sorte d’éclaircie passagère, élégamment traduite par les interprètes. L’Allegro molto final n’est pas exempt d’ambigüité. Ce retour vers la vie alterne avec de tragiques rechutes. Comme un reflet de l’existence douloureuse du compositeur
Tout autrement résonne le Trio pour piano et cordes n° 1 en si majeur opus 8 de Johannes Brahms. Composée en 1853-54 à Hanovre, cette œuvre de prime jeunesse (Brahms était à peine âgé de 20 ans) a été reprise par le compositeur en 1891, soit presque 40 après. C’est cette version finale que joue ce soir le Trio Zeliha. La première phrase de l’Allegro con brio initial, splendide de générosité lyrique, est admirablement jouée par le violoncelliste. Maxime Quennesson la « chante » comme un lied de rêve d’une stupéfiante beauté plastique et expressive. Tout ce mouvement s’anime d’une touchante passion juvénile.
Dans le Scherzo qui suit, les échanges à la fois subtils et intenses évoquent une sorte de discussion animée entre les protagonistes. Le mouvement lent, Adagio, est légitimement abordé par les interprètes comme une plage de rêve, un espace de temps suspendu.
L’animation de l’Allegro final ne masque en rien l’inquiétude de l’écriture qui se traduit parfois par une série de dialogues angoissés. Les jeunes interprètes animent toute l’œuvre d’une intense passion musicale aux sonorités parfaitement équilibrées.
L’ovation du public obtient des trois complices pas moins de deux bis. Au joyeux mouvement final du Gypsy Trio de Joseph Haydn succède le Prélude des Cinq pièces pour deux violons et piano de Dmitri Chostakovitch dans lequel Maxime Quennesson utilise son violoncelle comme une sorte de grand violon…
La belle saison des Arts Renaissants se poursuit le 4 février prochain avec la venue dans ce même auditorium du prestigieux ensemble vocal Gesualdo Six.
Serge Chauzy
Programme du concert
- Franz Schubert (1797-1828) : Trio no 2 en mi bémol majeur, op. 100, D. 929
- Johannes Brahms (1833-1897) : Trio no 1 en si majeur, op. 8