Le concert donné le 28 mars dernier par l’Orchestre national du Capitole a dû subir quelques changements du fait de l’annulation, pour raison de santé, du chef d’orchestre italien Riccardo Minasi, initialement prévu. C’est le chef suisse Thierry Fischer qui a accepté de le remplacer. Si le programme a dû être modifié, le violoncelliste français Jean-Guihen Queyras est resté le soliste du concert qui a finalement réuni des œuvres de Mozart, Schumann et Beethoven.
A la suite de l’annonce faite en début de soirée par Jean-Baptiste Fra, le Délégué général de l’Orchestre, le nombreux public de la Halle aux Grains ne ménage pas ses applaudissements de remerciement au nouveau chef qui a déjà fait une première apparition à Toulouse en 2006. Né en Rhodésie du Nord (Zambie), Thierry Fischer est d’abord devenu le flûtiste principal de l’Opéra d’État de Hambourg et de celui de Zurich, où il a travaillé avec Nikolaus Harnoncourt. Il a dirigé ses premiers concerts au Chamber Orchestra of Europe où il était flûtiste principal sous la direction de Claudio Abbado. Depuis 2020, Thierry Fischer occupe le poste de Directeur musical de l’Orchestre symphonique de l’État de São Paulo (Osesp) au Brésil.

Dès l’installation des musiciens sur le plateau, on observe un petit changement dans la disposition des instruments à cordes. Le pupitre des seconds violons et celui des altos ont permuté, opposant « géographiquement » les premiers et les seconds violons et favorisant ainsi les effets d’écho.
Sous la direction vigoureuse de Thierry Fischer, le concert s’ouvre sur… une ouverture. Il s’agit de celle de La clemenza di Tito (La Clémence de Titus), l’un des deux derniers opéras de Mozart, composé en même temps que Die Zauberflöte (La flûte enchantée). Il confère à cette brève partition, à la fois solennelle et animée, un éclat particulier et une certaine volubilité instrumentale.
Le grand violoncelliste français Jean-Guihen Queyras est ensuite le soliste de l’unique Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur de Robert Schumann, l’une des partitions emblématiques de ce répertoire. Dès ses premières interventions, le musicien déploie une sonorité à la fois riche, ample et d’une rondeur admirable. L’équilibre avec l’orchestre s’établit tout naturellement. Le choix des phrasés bénéficie notamment d’un jeu judicieusement contrôlé du vibrato. L’éloquence se manifeste immédiatement dans l’énoncé des thèmes de ce premier volet de l’œuvre, NIcht zu schnell (Pas trop rapide). Un épisode particulièrement touchant émerge dans le mouvement central Langsam (Lent). Il s’agit d’un touchant duo entre le soliste et le premier violoncelle de l’orchestre, ici tenu par l’excellente Sarah Iancu. Les regards échangés témoignent ici d’une belle complicité musicale. Même si les trois parties de l’œuvre se jouent sans interruption, le final marque un changement d’éclairage. Les échanges entre le soliste et l’orchestre animent joyeusement le discours. Jusqu’à la coda virtuose que le soliste fait briller de mille feux.

Une ovation unanime accueille cette belle et tonique interprétation. Après avoir salué Sarah Iancu pour sa participation au duo du mouvement central, Jean-Guihen Queyras offre un bis plein de signification. Il fait précéder son interprétation profondément musicale du Prélude de la Suite n° 4 pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach d’une mélodie populaire ukrainienne. Cette belle initiative, qui fait chaud au cœur, reçoit une nouvelle ovation.

La seconde partie de la soirée est consacrée à la Symphonie n° 8 en fa majeur de Beethoven. Comme la plupart des symphonies paires du compositeur (à l’exception de la 6ème, dite « Pastorale ») elle n’est que très rarement jouée ! La voici dans une vision particulièrement vive et dynamique. Le chef souligne les contrastes du mouvement initial Allegro vivace e con brio tout en sollicitant de l’orchestre des accents surprenants, parfois inattendus. Dans le deuxième volet Allegretto scherzando, l’exécution pleine d’ironie trouve la source de son rythme insistant dans l’anniversaire que Beethoven souhaitait ainsi à l’inventeur du métronome, son ami Johann Nepomuk Mælzel. Le lyrisme qui s’exprime dans le Tempo di menuetto alterne avec la belle participation du pupitre de cors dans son Trio. Enfin, la vitalité rythmique du final Allegro vivace est l’occasion d’aviver les arêtes de son déroulement et de souligner le caractère de divertissement de l’ensemble de l’œuvre.
La soirée s’achève donc dans une atmosphère de fête.
Serge Chauzy
Programme du concert :
- W. A. Mozart : Ouverture de La clemenza di Tito
- R. Schumann : Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur
- L. van Beethoven : Symphonie n° 8 en fa majeur