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Christian Tetzlaff était le soliste du concert des Grands Interprètes du 4 février dernier au cours duquel le jeune chef qui monte, Vladimir Jurowski, faisait ses débuts à la Halle-aux-Grains, à la tête du London Philharmonic Orchestra, phalange britannique de premier plan fondée en 1932 par Sir Thomas Beecham.

Le jeune chef russe Vladimir Jurowski (photo : Roman Goncharov)

Vladimir Jurowski, issu d’une famille de musiciens connaît un début de carrière fulgurant. Né en Russie, il émigre à l’âge de 18 ans en Allemagne avec les siens. Dès l’âge de 25 ans, il est engagé dans les plus prestigieuses institutions musicales : Covent Garden de Londres, La Fenice de Venise, l’Opéra Bastille de Paris, le Teatro Comunale de Bologne où il fut chef principal de 2000 à 2003. Il est à Toulouse avec l’orchestre dont il vient d’être nommé Chef Principal.

Quant à Christian Tetzlaff, il a lui aussi connu des débuts fulgurants, grâce notamment à sa prestation discographique unanimement saluée des Sonates et Partitas de Bach. Depuis son répertoire ne connait plus de limite. Sa réputation non plus.

L’orchestre anglais, le chef russe et le soliste allemand trouvent un magnifique terrain d’entente sur un programme anglo-germano-russe ! En ouverture, Vladimir Jurowski choisit d’enrichir le programme initialement prévu avec deux pièces contemporaines pour orchestre à cordes aux couleurs automnales. Du britannique Mark Anthony Turnage, compositeur en résidence auprès du London Philharmonic, l’orchestre distille la touchante atmosphère funèbre d’« Evening Songs » et la nostalgie voluptueuse de la sonate pour cordes de l’allemand Hans Werner Henze dont on vient de fêter le quatre-vingtième anniversaire.

Le violoniste allemand

Christian Tetzlaff

Dans le concerto pour violon et orchestre de Brahms, Christian Tetzlaff élabore une admirable synthèse entre la sensibilité de son jeu et son implication dramatique. Le timbre intense du soliste se détache admirablement d’un tissu symphonique transparent que Vladimir Jurowski dirige sans la pesanteur qui parfois affecte l’orchestre brahmsien. A la suite de son émouvante déclamation du concerto, Christian Tetzlaff retrouve la pureté des lignes polyphoniques de Bach dans un bis ciselé comme un diamant.

Avec la symphonie « Pathétique » de Tchaïkovski, volet final de sa tragique trilogie du « fatum », qui conclut le concert, Vladimir Jurowski retrouve ses racines. Il n’en dirige pas moins ce symbole funèbre avec une intelligence lucide, un soin du détail, une démarche analytique, intellectuelle même, qui se démarque d’une approche instinctive.

La luminosité des timbres de la phalange britannique, sa réactivité de tous les instants contribue à l’originalité de cet éclairage aux arêtes vives. Le contraste entre l’excitation du 3ème mouvement et la dépression profonde du final qui se fond dans un abîme de silence n’en est que plus saisissant.

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