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Héroïque, vous avez dit héroïque…

L'Orchestre national du Capitole dirigé par Domingo Hindoyan avec István Várdai, violoncelle soliste - Photo Classictoulouse -

Deux grandes partitions musicales inscrites le 9 décembre dernier au programme du concert de l’Orchestre national du Capitole ont attiré un large public assoiffé de chefs-d’œuvre. Le Deuxième concerto pour violoncelle et orchestre d’Antonin Dvořák et la Troisième symphonie dite Héroïque, de Ludwig van Beethoven, qui se complètent harmonieusement, ont été largement applaudies ce soir-là.

Deux artistes invités ont exécuté avec conviction ce programme de luxe. Le chef d’orchestre helvéto-vénézuélien Domingo Hindoyan apparaît à Toulouse pour la première fois. Il a commencé ses études musicales en tant que violoniste et membre du célèbre programme d’éducation musicale vénézuélien El Sistema. Il a obtenu une maîtrise en direction d’orchestre à la Haute École de Musique de Genève où il reçut la plus haute distinction et a ensuite participé à de nombreuses master classes auprès des plus grands chefs du moment. Signalons en outre que pour ce concert, le chef invité a modifié la disposition habituelle des différents pupitres de l’orchestre. Ainsi les premiers et seconds violons se font face respectivement à gauche et à droite du podium comme cela est souvent le cas dans certaines formations.

Le violoncelliste István Várdai, natif de Hongrie, a déjà été présent à Toulouse en 2019 et en 2020 jouant Saint-Saëns et Tchaïkovski. Il a suivi les enseignements de Natalia Gutman, Natalia Chakhovskaia, János Starker et Frans Helmerson. Il est cette fois le soliste du concerto pour violoncelle probablement le plus développé du répertoire romantique, le n° 2 en si mineur, op. 104, composé par Antonin Dvořák lors de son séjour aux États-Unis.

Le violoncelliste István Várdai, soliste du Concerto n° 2 d’Antonin Dvořák – Photo Classictoulouse –

C’est avec cette œuvre que s’ouvre le concert du 9 décembre. Le très héroïque lever de rideau que constitue l’introduction orchestrale est dirigé avec éclat par Domingo Hindoyan. La phalange toulousaine brille de tous ses feux. L’entrée du soliste installe un tout autre climat. On admire le jeu affirmé mais sensible du violoncelliste. Regrettons que ce jeu se trouve trop souvent noyé dans un déferlement, certes grandiose, mais un peu trop dominateur, des tutti orchestraux. Le deuxième volet calme un peu les ardeurs sonores. La belle cadence est admirablement phrasée par István Várdai qui conclut ce mouvement par de subtiles arpèges en harmonique, délivrant un timbre particulier.

Dans le final, Allegro moderato, l’orchestre, et surtout les sections des vents, retrouvent une vigueur par instant un peu envahissante. Le beau duo entre le violoncelle et le premier violon solo ménage un espace émouvant d’échanges. Kristi Gjezi mêle avec finesse sa riche sonorité à celle d’István Várdai, toujours aussi raffinée.

Le succès de cette exécution amène le soliste à offrir un bis original et assez rare au concert : une Etude du violoncelliste originaire de Bohême David Popper (1843-1913). Une pièce qui prolonge l’atmosphère « Mitteleuropa » à la Dvořák.

Le chef d’orchestre invité Domingo Hindoyan – Photo Classictoulouse –

La Symphonie n° 3 en mi bémol majeur de Beethoven complète cette soirée haute en couleurs. La genèse de cette célèbre partition est bien connue. La dédicace initiale à Napoléon Bonaparte, que Beethoven considérait comme l’héritier des grands idéaux de la Révolution française, fut rayée avec colère sur le manuscrit lorsque le compositeur apprit que le Premier Consul s’était fait couronner empereur. La symphonie fut finalement dédiée « à la mémoire d’un grand homme » ! Domingo Hindoyan ouvre l’Allegro initial sur un tempo vif, nerveux, presque rageur, comme pour illustrer la colère de Beethoven à propos de cette dédicace ! Le chef offre ce soir-là une conception très particulière, analytique, de cette symphonie, comme pour la relier à l’héritage de Joseph Haydn. Ainsi, les phrasés choisis tout au long de l’œuvre privilégient un staccato insistant. En particulier la Marcia funebre, se trouve privée de compassion legato, avec curieusement une insistance sur les registres aigus (en particulier avec l’éclat rutilant des trompettes) et comme un retrait des registres graves, notamment celui des contrebasses. Scherzo et Finale suivent la même démarche, d’une cohérence indiscutable, reconnaissons-le ! On admire au passage les interventions stratégiques du pupitres de cors et celles de l’ensemble des bois.

Le public accueille avec ardeur cette exécution à laquelle le chef répond en félicitant ostensiblement chaque soliste et chaque pupitre.

Le 15 décembre prochain, l’Orchestre national du Capitole reçoit pour la première fois deux invités importants, le chef d’orchestre finlandais Dima Slobodeniouk et le pianiste russo-lituanien Lukas Geniušas. A ne certes pas manquer !

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 9 décembre 2022 à 20 h à la halle aux Grains de Toulouse :

  • A. Dvořák : Concerto n° 2 pour violoncelle et orchestre
  • L. van Beethoven : Symphonie n° 3, « Eroica »

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