Concerts

Harmonie et double talent

Le 12 février dernier, l’orchestre d’harmonie H2O (ensemble d’instruments à vent et percussion), né officiellement le 22 avril 2011, offrait un concert gratuit aux étudiants de Toulouse. Une Halle aux Grains enthousiaste a accueilli cette initiative organisée par les Universités de Toulouse, le Pôle Recherche d’Enseignement Supérieur (PRES), et sponsorisée par la Mairie de Toulouse. Les qualités de ce nouvel ensemble, de celui qui en assure la direction, Jean-Guy Olive, et celles de son soliste aux talents multiples, Fabrice Millischer, motivent ce beau succès.
L’originalité du programme, conçu exclusivement sur des œuvres composées pour ensemble d’harmonie, doit être soulignée. Bénéficiant en outre d’une présentation détaillée de chaque partition, cette soirée permet la découverte d’un répertoire musical encore trop peu diffusé en France. Les musiques présentées possèdent des qualités et des atouts qu’il faut saluer.

Fabrice Millischer, au violoncelle, Jean-Guy Olive dirige l’Orchestre H2O

– Photo Classictoulouse –

La première partie du concert est judicieusement commentée par deux jeunes étudiantes en musicologie, avec exemples musicaux à l’appui, ce qui offre au public d’intéressantes pistes d’approche. La première courte pièce du programme, Noah’s Ark (L’Arche de Noé) est due au compositeur belge Bert Appermont, né en 1973. Illustrant quatre épisodes de l’épopée biblique, cette musique d’images met en valeur de manière spectaculaire les qualités d’un tel ensemble d’harmonie. La précision rythmique, la belle fusion des timbres, la virtuosité de chacun, l’équilibre entre les pupitres s’avèrent parfaitement maîtrisés par la direction minutieuse de Jean-Guy Olive. Ceci aussi bien dans les épisodes calmes que dans la spectaculaire agitation du déluge.

Le soliste de la soirée est un musicien hors norme. Fabrice Millischer, tromboniste prestigieux est également violoncelliste ! Né en 1985, il a obtenu le Premier Prix de trombone du Concours international de l’ARD de Munich en 2007, ce prix étant attribué pour la première fois à cet instrument depuis la création du concours ! Nommé « Révélation soliste instrumental » des Victoires de la Musique Classique en 2011, il se produit en soliste au trombone et à la sacqueboute. Il est actuellement trombone solo à la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern et membre du Quatuor Quartbone qu’il a cofondé en 2006. En 2009, il est le plus jeune musicien à avoir reçu le titre de Professeur dans une Hochschule für Musik en Allemagne. Il joue régulièrement avec de grands ensembles baroques comme Les Sacqueboutiers, Le Concert des Nations, Le Concert d’Astrée, les chœurs les éléments et Arsys Bourgogne.

Fabrice Millischer, au trombone, soliste de Montségur, la Tragédie Cathare

de
Maxime Aulio – Photo Classictoulouse –

Pour sa première apparition de la soirée, Fabrice Millischer est le soliste d’un portrait musical brossé par le compositeur néerlandais Johan de Meij (né en 1953 et célèbre pour sa partition sur Le Seigneur des Anneaux). Ce portrait, intitulé Casanova, prend la forme d’un poème symphonique pour violoncelle solo et orchestre d’harmonie. Fabrice Millischer, sorte de Janus musical, incarne ici, de son archet, le célèbre séducteur vénitien. Johann de Meij ne cache pas son admiration pour Puccini. Les trois accords qui ouvrent son Casanova se reçoivent comme un hommage à Tosca. Ils illustrent la figure inquiétante de Messer Grande, ce chef de la police vénitien aux allures de Baron Scarpia, qui emprisonna Casanova. Les principaux épisodes de la vie mouvementée du héros se succèdent dans une sorte de bande dessinée colorée dont le violoncelle solo, admirablement tenu par Fabrice Millischer, est le personnage central.

La suite du concert est consacrée au jeune compositeur Maxime Aulio, né en 1980 à Chartres. C’est lui-même qui présente avec simplicité et spontanéité les deux œuvres de cette seconde partie. Dans sa partition Les Voyages de Gulliver (1999-2000), portrait coloré de l’aventurier imaginé par Jonathan Swift, le compositeur démultiplie par la musique les aventures extraordinaires du héros hors norme. Cette musique pleine de contrastes, de vitalité et d’humour réjouit l’esprit.

De gauche à droite : Fabrice Millischer, Jean Guy Olive, Maxime Aulio, à l’issue du concert

– Photo Classictoulouse –

La pièce qui suit aborde une tout autre aventure. Le poème symphonique pour trombone solo et orchestre d’harmonie Montségur, la Tragédie Cathare a été créé en 2003 par Daniel Lassalle, qui fut le professeur de Fabrice Millischer, et l’Ensemble Instrumental de l’Ariège, sous la direction d’Eric Villevière. Il s’agit là d’un émouvant hommage à ceux qui subirent les horreurs de l’Inquisition. L’évocation de ce site symbole de la résistance régionale, le château de Montségur, passe par une orchestration pleine d’ombre et de lumière. Le trombone solo semble jouer ici le rôle du récitant, le témoin de la tragédie. Déploiement de couleurs, thèmes évocateurs identifient chaque épisode. De la résistance héroïque au bûcher final, en passant par la terrible bataille, Fabrice Millischer démontre ici l’étendue de sa virtuosité instrumentale, de sa musicalité et de ses pouvoirs expressifs. Ses échanges avec l’orchestre sont à la hauteur des événements qu’ils illustrent. Un grand bravo à l’ensemble des musiciens, au maître d’œuvre Jean-Guy Olive, et bien sûr au compositeur lui-même, Maxime Aulio, expert en musique d’images.

Le succès de cette soirée pousse les musiciens à offrir un bis chaleureux et coloré : Bolivar, du Britannique Eric Cook, aux accents hispaniques attirant les Olé ! du public !

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