Concerts

Haendel, le plus britannique des compositeurs allemands

Les Musiciens du Louvre, dirigés par Marc Minkowski - Photo Classictoulouse -

Mark Minkowski et ses Musiciens du Louvre ouvraient, le 12 octobre dernier à la Halle aux Grains, la riche saison des Grands Interprètes. Cet ensemble réputé, qui prend une part active au renouveau baroque, a souvent été invité à Toulouse. On se souvient du beau concert du 17 février 2022 consacré à Jean-Philippe Rameau. Il revient cette fois brosser un portrait musical de Georg Friedrich Haendel à travers le genre qu’il a fait prospérer, le Concerto grosso.

Les Musiciens du Louvre et leur directeur artistique ont déjà abordé à Toulouse l’œuvre lyrique de Haendel avant celle de Jean-Philippe Rameau. Cette fois, ils explorent le monde riche et prolifique des Concerti grossi. Après avoir envisagé de présenter une partie des douze pièces de l’abondant opus 6, Marc Minkowski a choisi de diriger l’intégrale des Concerti de l’opus 3. Cet Opus 3, HWV 312-317, réunit six pièces composées et rassemblées dans un recueil publié par l’éditeur John Walsh en 1734. Les musicologues s’accordent à estimer que Haendel n’est pas à l’origine de sa publication. En réalité, il semble bien que Walsh ait avant tout cherché à reproduire la réussite commerciale de l’Opus 6 d’Arcangelo Corelli, comprenant 6 Concerti grossi et dans ce but, en a rassemblé six, composés préalablement par Haendel.

Mark Minkowski avait prévu de jouer ces six partitions dans un ordre différent de celui de leur publication. Dès le début du concert il annonce que ces pièces seront finalement données dans l’ordre de leur parution. On observe que la structure de ces Concerti de l’Opus 3 se distingue des usages de l’époque concernant le genre du Concerto grosso stricto sensu. Ces six pièces possèdent un nombre de mouvements qui varie entre deux et cinq. Un seul, le n° 4, comprend le nombre habituel et traditionnel de quatre mouvements comme le pratique, en particulier à la même époque, Arcangelo Corelli.

L’écoute de cette succession traduit l’incroyable variété qui se manifeste dans les rythmes, les affects, les tonalités d’une musique pleine d’imagination. La plupart de ces Concerti comportent des solos virtuoses afin de faire émerger et briller les talents réunis pour ces exécutions. Rompus à cet exercice, les Musiciens du Louvre, aussi bien les cordes que les vents et les claviers, se trouvent confrontés avec succès à cette rutilante écriture du plus pur style baroque.

Marc Minkowski à la Halle aux Grains – Photo Classictoulouse –

Une effervescente vitalité ouvre le premier Allegro du n° 1 en si bémol majeur dont le Largo central incite au rêve. Hautbois, flûtes et bassons prennent une part essentielle aux couleurs de ce premier Concerto. Comme l’indique Marc Minkowski, le n° 2 joue sur des effets stéréophoniques entre les deux premiers violons, Alice Piérot et Stéphane Rougier qui rivalisent de virtuosité. Le Largo offre au hautbois un très beau solo admirablement joué par Rodrigo Gutiérrez. Dans le Concerto n° 3, à la suite d’une introduction Largo menée poétiquement par le clavecin, la flûte occupe le devant de la scène. Le soliste (qui joue aussi le basson !) fait ici des merveilles. Des merveilles largement acclamées par le public !

Les trois derniers Concerti témoignent d’une tendance « symphonique » affirmée. Le style « ouverture à la française » leur confère une élégance toute particulière. A cette occasion, on admire de nouvelles interventions du hautbois, mais également du théorbe et de l’orgue. Un grand bravo à Yoann Moulin qui excelle sur les deux claviers, orgue et clavecin.

Ainsi jouées dans la continuité, ces six Concerti reçoivent un accueil particulièrement chaleureux. Marc Minkowski et ses musiciens se laissent alors convaincre avec bonne humeur d’offrir plusieurs bis. Il s’agit d’abord d’un Allegro vivifiant extrait de l’opus 6, initialement programmé, des Concerti Grossi du même Haendel. Le chef annonce ensuite une pièce inattendue signée d’un ami compositeur, Laurent Couson, qui a transcrit dans le style « Concerto grosso » l’un des « tubes » du groupe suédois mythique ABBA !

Evoquant enfin la triste actualité guerrière du moment, Marc Minkowski souhaite conclure la soirée sur une musique d’apaisement. Il s’agit de la douce Entrée de la muse Polymnie, extraite du dernier opéra de Jean-Philippe Rameau, Les Boréades. Une large respiration pleine d’émotion imprègne le long silence qui suit cette belle et profonde interprétation.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 12 octobre 2023 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse

  • G. F. Haendel :
  • Intégrale des six Concerti Grossi opus 3

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