Concerts

God save the King’s… Singers !

Ils sont venus, ils ont chanté, ils ont charmé. Invité de la saison des Grands Interprètes, le groupe britannique The King’s Singers renoue ainsi avec la ville rose. Le 16 janvier dernier, cinq des six chanteurs du mythique ensemble vocal présentaient un programme nouveau, d’une rare finesse et d’un charme irrésistible.
L’indisposition (passagère !) du contre-ténor David Hurley avait conduit le groupe à modifier la composition et la tonalité du programme initialement prévu pour leur prestation toulousaine. Jamais à cours de ressources, c’est à une « Sérénade d’hiver » que les cinq compères avaient finalement convié leur public. Et une fois encore on admire ces musiciens hors pair qui ne se contentent pas de chanter, de très bien chanter ! Ils jouent, dans tous les sens du terme, ils vivent les œuvres qu’ils interprètent. Des œuvres qu’ils prennent le soin de présenter dans un français parfait, à peine teinté d’un délicieux accent britannique. Comment ne pas rester stupéfait à l’écoute d’une telle justesse, d’une telle cohésion, bref d’un tel professionnalisme ? L’extrême qualité de chacune de ces voix, l’exactitude d’une belle diction se conjuguent avec l’excellence de l’ensemble, « perfectly blended », comme le plus raffiné des thés anglais. Les départs, les arrêts, les respirations, le dosage des couleurs vocales constituent un sujet constant d’émerveillement. Louons donc la fraîcheur et la pureté du timbre du contre-ténor Timothy Wayne-Wright, la finesse et les talents de clown du ténor Paul Phoenix, la solidité chaleureuse des barytons Christopher Bruerton et Christopher Gabbitas, enfin l’ample noirceur de la jeune basse Jonathan Howard. Un feu d’artifice vocal a cappella qui envahit toute l’histoire de la musique résumée en une soirée.

Le bel ensemble vocal britannique The King’s Singers. De gauche à droite :

Timothy Wayne-Wright, contre-ténor, Paul Phoenix, ténor, Christopher Bruerton et Christopher Gabbitas, barytons, Jonathan Howard, basse – Photo Classictoulouse –

Trois volets bien différents composent la première partie. Un groupe de quatre pièces sacrées confronte les styles bien différents des compositeurs du XVIème et du XXème siècles. De la douceur fervente du Cantate Domino, de Hans Leo Hassler, aux Quatre petites prières de Saint-François d’Assise, de notre Francis Poulenc national, foisonnantes d’harmonies subtiles, de modulations charnues, un même lien unit l’univers de la foi. Dans le Notre Père à quatre voix, de Maurice Duruflé, comme dans The Lord’s Prayer, de Leonard Bernstein, déclamé par le seul ténor, la poignante expression de ferveur religieuse reste la même.

L’étape suivante nous transporte dans l’Europe du Nord. De l’Estonien Veljo Tormis, les King’s Singers dévoilent deux pièces inspirées du courant répétitif, avec un Pärismaalase Lauluke protestataire tournoyant autour du mot « Tabou », ânonné à l’infini, et un chant inspiré des traditions bulgares. Une forte émotion imprègne le chœur à quatre voix Raskatava de Jean Sibelius.

L’humour musical possède sa patrie de référence : l’Angleterre. Cet humour, toujours fondé sur une perfection technique irréprochable, s’exerce enfin sur le dernier volet de ce triptyque initial. Quatre pièces de la Renaissance évoquent le vin et l’amour. De l’amour triste de Lagrimas de mi consuelo de Juan Vasquez à l’« ensalada » sacro-profane de Mateo Flecha, El Fuego, les King’s Singers s’en donnent à cœur joie.

La seconde partie de la soirée manie également l’humour, à la française cette fois, avec Clic clac dansez sabots de Francis Poulenc et la fameuse Sérénade d’hiver de Camille Saint-Saëns pendant laquelle quatre jeunes hommes donnent, par une froide nuit d’hiver, la sérénade à une charmante beauté un peu réticente. Une occasion de plus d’admirer la diction et l’esprit caustique de ces brillants interprètes.

Le concert s’achève sur un bouquet irrésistible de ces arrangements de chansons ou de spirituals qui amènent les cinq compères à explorer un domaine musical sans limite, des Beatles aux chants traditionnels. Et toujours avec cette science incomparable de la richesse harmonique et des modulations les plus savoureuses. Ils concluent leur programme sur une charmante berceuse qu’ils dédient à leur confrère David Hurley, en bonne voie de guérison. Néanmoins, deux bis supplémentaires, ardemment réclamés par le public, prolongent encore le plaisir de cette convivialité musicale.

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