Concerts

Energie et passion musicales

L'Orchestre national du Capitole dirigé par Aziz Shokhakimov - Photo Classictoulouse -

Deux jeunes interprètes, invités de l’Orchestre national du Capitole, animaient le concert du 19 mai dernier dans une Halle aux Grains pleine à craquer d’un public nouveau. Le chef d’orchestre ouzbek Aziz Shokhakimov et la violoniste toulousaine Manon Galy ont à l’évidence séduit ce public qui leur a réservé un accueil enthousiaste.

Aziz Shokhakimov, né à Tachkent, a commencé son apprentissage musical dès l’âge de six ans. Il a étudié le violon, l’alto puis la direction d’orchestre. Il a remporté le Prix Herbert von Karajan du Festival de Salzbourg et le deuxième prix du Concours international de direction d’orchestre Gustav Mahler. Depuis 2014, il collabore régulièrement avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dont il est devenu Directeur musical et artistique au début de la saison 2021/22.

Le chef d’orchestre ouzbek Aziz Shokhakimov – Photo Classictoulouse –

Le programme qu’il a choisi de présenter à Toulouse s’ouvre sur L’Ouverture Académique de Fête de Johannes Brahms, composée durant l’été 1880 à l’occasion de la nomination du compositeur en tant que Docteur Honoris Causa de l’Université de Breslau. Il s’agit en fait d’un pot-pourri constitué de chansons à boire estudiantines dont le célèbre chant considéré comme l’hymne international des étudiants : « Gaudeamus igitur » (Réjouissons-nous donc). Cette transcription symphonique témoigne de toute la science de Brahms dans le domaine de l’orchestration. La direction nerveuse, et même acérée d’Aziz Shokhakimov y dévoile un Brahms sanguin inhabituel, plein d’une énergie débordante. L’Orchestre sonne avec un relief particulier et un équilibre haut en couleurs de tous les pupitres, traduisant la joie débridée qui illumine cette pièce.

Manon Galy est ensuite l’interprète du Concerto n° 3 pour violon et orchestre de Camille Saint-Saëns. Elle a été nommée “Révélation Soliste instrumentale” lors des Victoires de la Musique 2022. Née à Toulouse, elle a commencé dès l’âge de 7 ans ses études de violon qui l’ont menée du CRR de Toulouse à celui de Paris, puis au CNSMDP, à la Hochschule de Munich, chez Julia Fischer, ou encore à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Waterloo. Lauréate de nombreux concours internationaux elle mène déjà une brillante carrière aussi bien comme soliste qu’en musique de chambre.

La violoniste toulousaine Manon Galy soliste du Concert n° 3 de Camille Saint-Saëns – Photo Classictoulouse –

Ses premières notes de l’Allegro non troppo du Concerto imposent une sonorité impressionnante de profondeur et de richesse de timbre. Son phrasé généreux, son sens des nuances et son engagement interprétatif font de ce premier volet un exemple d’éloquence suprême, soutenue par un orchestre certes très sonore, mais respectueux de l’équilibre avec les déploiements lyriques de la soliste. Dans l’Andantino quasi allegretto, son rythme de sicilienne et sa douceur expressive, Manon Galy déploie un jeu d’une tendresse touchante. Son dialogue avec les bois réserve quelques moments miraculeux de sensibilité. Dans le final Molto moderato e maestoso – Allegro non troppo, la danse et la théâtralité imposent une chaleureuse vitalité. On admire le lyrisme de la violoniste qui semble jouer avec l’accompagnement orchestral. Jusqu’au dernier accord l’énergie reste habilement canalisée.

Le bis, ardemment réclamé par le public, prolonge l’œuvre de Saint-Saëns. Accompagnée par l’orchestre, Manon Galy « chante » avec finesse et émotion la célèbre Méditation de Thaïs, cet intermezzo symphonique de l’opéra Thaïs de Jules Massenet. Comme un souvenir touchant pour les amateurs d’art lyrique !

Les deux artistes invités au salut – Photo Classictoulouse –

La seconde partie de la soirée est consacrée à la célébrissime Symphonie n° 9, dite « Du Nouveau Monde », d’Antonin Dvořák. Ses quatre mouvements, qui s’inspirent du poème épique de Henry Longfellow, « Le chant de Hiawatha », développent des atmosphères évocatrices contrastées. Passée l’entrée en matière mystérieuse, Aziz Shokhakimov déchaîne dans le premier volet d’explosives tempêtes. Les contrastes exacerbés, le recours fréquent au rubato animent d’ailleurs l’ensemble de la symphonie. Le pupitre des cors confère un dynamisme chaleureux au thème récurrent initié dans ce premier mouvement. Le deuxième volet Largo revêt une tendresse particulière grâce au splendide solo de cor anglais, tout imprégné d’une profonde nostalgie. Le Scherzo – Molto vivace illustre à son tour un autre épisode du « Chant de Hiawatha », celui de la « Fête dans la forêt » dont le cœur reprend le motif d’une danse d’Europe centrale. Dans l’élan final de l’Allegro con fuoco, le chef déclenche un galop effréné. Apothéose impressionnante, tout feu tout flamme ! La fusion des thèmes qui essaiment toute la symphonie conclut la coda avec panache. Tous les musiciens solistes sont à féliciter, notamment Gabrielle Zaneboni au cor anglais, Chi Yuen Cheng au hautbois, Sandrine Tilly à la flûte, Hervé Lupano au cor, David Minetti à la clarinette, Guillaume Brun au basson, René-Gilles Rousselot à la trompette, David Locqueneux au trombone et Jean-Sébastien Borsarello aux timbales, sans oublier Kristi Gjezi, particulièrement efficace au poste stratégique de violon super-soliste (la liste est évidemment non exhaustive !). L’ovation recueillie par cette prestation résulte aussi bien de l’appréciation du public pour la qualité générale de notre bel orchestre que de la popularité d’une œuvre chère au cœur et à la mémoire.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 19 mai à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse :

•             J. Brahms : Ouverture académique de fête, opus 80

•             C. Saint-Saëns : Concerto pour violon et orchestre n° 3, opus 61

•             A. Dvořák : Symphonie n°9 « Du Nouveau Monde » opus 95

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