Concerts

Diaboliquement roumain

Inaugurant la nouvelle saison des « Tableaux-concerts » au musée des Abattoirs organisée par Piano aux Jacobins, le 21 mars dernier, le pianiste Alexandre Paley associait des musiques de Gorge Enescu et de Bela Bartok à l’une des belles toiles du musée, signée Georges Mathieu : « Mort d’Ascelin de Rochester ».

Cette mise en perspective, musique et peinture, révèle toujours à l’auditeur-spectateur quelque face cachée des œuvres interprétées. La fulgurance calligraphique du tableau de Mathieu, le relief étonnant que la lumière rasante met en évidence trouve en effet une correspondance riche et fructueuse avec la sonate de George Enescu qui ouvre le concert et en constitue l’œuvre phare.

Alexandre Paley, natif de la même région de Moldavie que Enescu, empoigne avec détermination cette vaste sonate en fa dièse mineur : une admirable partition qui mériterait un sort plus favorable que la rareté d’exécution qui la caractérise. Sa grande difficulté technique ainsi que sa complexité formelle expliquent probablement cette rareté. Les trois mouvements qui la composent réalisent comme un négatif de la sonate classique, substituant à l’habituelle combinaison vif-lent-vif, une succession lent-vif-lent. L’interprète souligne habilement le sinistre glas qui résonne dans le premier mouvement, comme en écho du « Gibet » de Ravel, dans son « Gaspard de la Nuit ».

Alexandre Paley

Le diabolique mouvement central, violemment dramatique, ouvre la voie au mystérieux final, tout imprégné de rêverie nocturne.

La même effervescence, non exempte de violence, caractérise le jeu d’Alexandre Paley dans la transcription pour piano de la fameuse Rhapsodie roumaine du même Enescu.

Sous les doigts musclés de l’interprète, les six Danses populaires roumaines et les Deux danses roumaines de Bartok qui complètent ce programme attrayant, manquent pourtant d’une nécessaire simplicité.

Malheureusement, les mêmes excès de maniérisme appuyé caricaturent les bis de Chopin qu’il offre généreusement en bis. Trop de nuances tue la nuance !

Nous retiendrons le grand souffle diabolique déployé dans la sonate d’Enescu.

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