Concerts

Découverte, audace, imagination

L'Orchestre national du Capitole dirigé depuis le piano soliste par Maxim Emelyanychev - Photo Classictoulouse -

Le retour à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Maxim Emelyanychev a donné lieu, ce 4 avril dernier, à un concert hors norme. Ce soir-là, le chef d‘orchestre, bien connu et apprécié du public toulousain, a également rempli la fonction de pianiste soliste. Il a en outre conçu un programme musical d’une grande diversité et offert sa vision personnelle des échanges entre orchestre et piano dans l’œuvre de Mozart.

Chef d’orchestre et claviériste, Maxime Emelyanychev dirige les plus grands orchestres du monde et anime notamment l’ensemble Il Pomo d’Oro, une formation qui joue selon les principes de l’interprétation historiquement informée. Sa profonde connaissance des pratiques dites « baroques » diffuse dans son approche de toutes les musiques. Les trois étapes franchies lors de ce concert toulousain brossent un tableau d’une belle richesse du talent musical d’un artiste original.

Le dispositif orchestral pour l’œuvre d’Elena Langer – Photo Classictoulouse –

Le chef a choisi d’ouvrir cette soirée du 4 avril avec une œuvre symphonique composée en 2017. Il s’agit de « La suite d’une suite », comme la caractérise Max Dozolme dans son commentaire. La compositrice britannique d’origine russe Elena Langer, née en 1974, a d’abord composé un opéra intitulé Figaro gets a divorce dont le sujet prolonge la série des pièces de Beaumarchais autour du destin de la famille Almaviva. La suite orchestrale qui dérive de l’opéra déroule en six mouvements les actes et confrontations aussi bien des personnages connus que de nouvelles figures. La très riche orchestration de l’œuvre fait intervenir au sein d’une formation symphonique traditionnelle un ensemble foisonnant de percussions, avec bongos et maracas, ainsi qu’un accordéon. Les sections qui se succèdent de manière continue suggèrent des atmosphères très diverses. On passe du mystère évoqué par les premières mesures à la rutilance d’une orchestration explosive. D’inquiétantes ambiances alternent avec quelques effets comiques que viennent renforcer de nombreux solos instrumentaux, au violon, à la flûte, au violoncelle, à la clarinette, à la trompette… L’écriture musicale d’Elena Langer, très actuelle, reste particulièrement séduisante. L’accueil très chaleureux du public en atteste.

Le Concerto pour piano et orchestre n° 23 en la majeur, K. 488, de Mozart reçoit donc la double intervention de Maxim Emelyanychev comme chef et soliste. La version qu’il choisit d’offrir hérite d’une longue familiarité avec les musiques dites « anciennes ». Comme cela se pratiquait encore à l’époque de Mozart, une ornementation de sa partie soliste agrémente le texte original de manière courante. On sait que le compositeur concevait ses concertos pour lui-même. Parfois, il n’écrivait la partie de piano qu’après l’avoir pratiquement improvisée au concert ! Avec une audace assumée, Maxim Emelyanychev ornemente ses interventions avec une imagination fertile. Ainsi, il précède d’une cadence le début de l’Allegro, avant même l’entrée de l’orchestre. Les thèmes de ce premier mouvement se succèdent dans l’harmonie la plus parfaite. La beauté lumineuse de l’Adagio s’accompagne d’un recueillement plein d’émotion. Les diminutions du piano contribuent à une certaine dramatisation de la confidence. Enfin, l’Allegro assai s’écoute comme une série d’échanges joyeux entre le soliste et l’orchestre. Les fréquentes modulations soutiennent ardemment la vitalité de ce brillant final.

Maxim Emelyanichev soliste et chef d’orchestre dans le Concerto n° 23 de Mozart – Photo Classictoulouse –

Les applaudissements insistants sont suivis d’un bis d’une sérénité apaisante. Celle de la célèbre Traümerei (Rêverie) des Kinderszenen (Scènes d’enfants) de Robert Schumann.

Toute la seconde partie du concert est consacrée à la Symphonie n°5 « Réformation » en ré mineur op.107 de Felix Mendelssohn. Ecrite entre 1829 et 1830 par un compositeur âgé de 20 ans, cette Symphonie porte le titre de « Réformation » afin de célébrer le tricentenaire de la Confession d’Augsbourg, fêté par les protestants allemands le 25 juin 1830. Maxim Emelyanychev en souligne la diversité des caractères et les contrastes musicaux. Dans le premier volet, Andante – Allegro con Fuoco, la solennité accompagne le recueillement du fameux thème que Wagner a emprunté pour l’utiliser dans son ultime opéra Parsifal. L’animation de l’Allegro vivace prend des allures de danse colorée dont s’échappent quelques éléments de tendresse. La touchante nostalgie de l’Andante qui suit émeut au plus haut point. L’enchaînement subtil avec le final Andante con moto – Allegro vivace – Allegro maestoso met en exergue le grand choral « Ein’ feste Burg ist unser Gott » (Notre Dieu est une solide forteresse), dont la mélodie a été écrite par Martin Luther au XVIe siècle. Dans cet ultime mouvement, particulièrement développé, le chef entraîne tout l’orchestre dans l’exaltation la plus fervente. Il ménage enfin une transition irrésistible du plus subtil des pianissimos vers l’éclatant fortissimo de la coda.

Maxim Emelyanychev au salut – Photo Classictoulouse –

Le grand succès qui couronne tout ce concert devrait entraîner de nouvelles collaborations musicales entre notre bel orchestre et Maxim Emelyanychev.

Serge Chauzy

Programme du concert :

  • Elena Langer (1974-) : Figaro Gets a Divorce, suite
  • Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n° 23
  • Felix Mendelssohn (1809-1847) : Symphonie n° 5 « Réformation »

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