La saison musicale des Arts Renaissants recevait, ce 12 décembre dernier en l’église Saint-Jérôme de Toulouse, les ensembles vocaux Mélisme(s) et Dulci Jubilo qui célèbrent cette année leur anniversaire respectif : vingt ans pour Mélisme(s), dix ans pour Dulci Jubilo. Un programme musical d’une originalité et d’une ouverture d’esprit remarquables a en quelque sorte scellé un rapprochement porté par une recherche musicale de la diversité chorale.
Créé en 2003 dans les Côtes-d’Armor par Gildas Pungier, Mélisme(s), chœur de chambre et chœur lyrique, est en résidence à l’Opéra de Rennes depuis 2016. L’ensemble vocal interprète des répertoires allant des compositeurs classiques à la création contemporaine. Basé à Montauban, le chœur de chambre Dulci Jubilo est fondé en 2013 par Christopher Gibert. C’est dans une « douce joie », comme l’évoque le nom de l’ensemble, que ces interprètes explorent avec exigence, assurance et sensibilité des répertoires pluriels. Ces deux formations ont donc décidé de s’associer pour diffuser un ensemble de pièces vocales couvrant près de quatre siècles de musique. De Johann Sebastian Bach aux créations contemporaines, le programme de leur concert du 12 décembre démontre le fait que la musique reste une et indivisible au-delà de l’évolution des styles.
La fusion entre les deux ensembles forme ainsi un chœur homogène de vingt-quatre chanteurs dont on admire la justesse, la précision, la musicalité et la beauté des timbres, que ce soit dans les pièces a cappella comme dans celles qu’accompagnent François-Xavier Kernin à l’orgue positif, Rémy Petit au violoncelle, Cédrick Alexandre à la contrebasse. Dirigés alternativement par Christopher Gibert et Gildas Pungier, ces musiciens authentiques savent adapter leur chant aux spécificités des œuvres interprétées. Johann Sebastian Bach, Felix Mendelssohn, Johannes Brahms encadrent judicieusement deux partitions d’aujourd’hui composées par Caroline Marçot et Christopher Gibert.
La soirée s’ouvre sur le lyrisme chaleureux, la sérénité du Geistliches Lied (Chant sacré) op. 30 de Brahms. Dirigé par Gildas Pungier, ce grand classique est suivi de la première création de la soirée signée Caroline Marçot (née en 1974). Chantée sous la direction de Christopher Gilbert, cette pièce a cappella intitulée Das Nachtwandler Lied (Le chant du promeneur nocturne) est inspirée de Friedrich Nietzsche et de son grand recueil Also sprach Zarathustra (Ainsi parla Zarathoustra). Le rythme y joue un rôle dynamique fort mais le chant reste prédominant, exigeant même sur un large ambitus, accompagné par moments de chuintements inquiétants. Une belle découverte !
Extrait de la riche musique d’église de Mendelssohn, l’hymne luthérien Mitten wir im Leben sind (Au milieu de nos vies) chanté a cappella avec ferveur, précède trois extraits du grand motet de Johann Sebastian Bach Jesu, meine Freude (Jésus ma joie). Trois extraits particulièrement bien choisis sont chantés avec une certaine ardeur sacrée. On se souvient à cette occasion du rôle fondamental joué par Mendelssohn pour la résurrection, en plein dix-neuvième siècle, de l’œuvre de Bach.
Parfaitement adapté à la structure à double chœur, le motet Unsere Väter hofften auf dich (Nos pères espéraient en toi) de Brahms réalise une belle transition vers la deuxième création de ce programme, écrite pour double chœur a cappella par Christopher Gibert. Intitulée Nunc dimittis, d’après une prière d’action de grâce, elle revendique sa filiation avec Bach et Mendelssohn. La clarté de la ligne vocale, l’intensité sous-jacente conduisent à une touchante tendresse, comme un appel à la paix universelle. Dirigé non pas par le compositeur, Christopher Gibert, mais pas Gildas Pungier, le double chœur transmet avec ferveur le contenu expressif de cette très belle pièce.
Toute la seconde partie du concert est consacrée à l’écoute du Te Deum en ré majeur MWV B 15 de Felix Mendelssohn. Œuvre rare et raffinée, cet oratorio qui date de 1826 est composé pour deux chœurs à quatre parties et un continuo pour orgue, violoncelle et contrebasse. Ainsi interprété, avec finesse et ferveur, ce Te Deum semble plonger ses racines dans les grandes productions haendéliennes du même type. La succession des douze parties balaie l’ensemble des modes d’expression de ce genre de production sacrée, du glorieux Te Deum Laudamus jusqu’au lumineux Fiat misericordia tua. Quatre chanteurs solistes issus du chœur apportent leur contribution fervente à cette partition exigeante.
Chaleureusement applaudis les interprètes complètent le concert par un retour à Brahms dont ils offrent le chœur à quatre voix mixtes a cappella, In stille Nacht (Dans la nuit calme). Comme dans un rêve…
Serge Chauzy