Concerts

Concertos en miroir

L’initiative doit être chaudement saluée et encouragée ! L’organisation de concerts gratuits, destinés à permettre au plus large public de se familiariser avec les musiques qualifiées d’« actuelles », représente un atout considérable pour le développement de la création et la formation du public. L’Orchestre national du Capitole, sous l’impulsion de Bruno Mantovani, compositeur associé à la formation toulousaine, mène là une action culturelle salutaire. La soirée du 10 février dernier a ainsi attiré à la Halle aux Grains une foule de curieux qui n’auraient peut-être pas osé franchir le pas vers un mode d’expression musicale réputée, à tort, « difficile ».
Avec Bruno Mantovani, dynamique acteur de la vie culturelle (il est non seulement compositeur et chef d’orchestre, mais également directeur du Conservatoire National Supérieur de Paris…) les mélomanes toulousains intéressés bénéficient également du talent d’un pédagogue accompli. En quelques mots, il sait démystifier, ouvrir l’esprit sur les partitions qu’il présente. La filiation avec un certain Pierre Boulez, également fin pédagogue, n’est peut-être pas fortuite.

Pour ce concert du 10 février, donc, une formation orchestrale réduite donnait à découvrir deux œuvres proches par l’esprit et la forme (même si quatre-vingts trois ans les séparent), deux « Concertos de Chambre ». La partition de référence, si l’on peut employer ce terme, n’est autre que le Kammerkonzert pour piano, violon et treize instruments à vent d’Alban Berg. Le Concerto de Chambre n° 1, de Bruno Mantovani lui-même, offre un parfait complément, comme une mise en miroir avec l’œuvre de Berg.

Bruno Mantovani, Varduhi Yeritsyan, piano, et Genevière Laurenceau, violon, dans le Kammerkonzert d’Alban Berg
– Photo Classictoulouse –

Avec ce Kammerkonzert, daté de 1927, Berg prolonge la révolution lyrique de son opéra Wozzek. Même s’il se défend d’en exploiter le dramatisme pour faire éclater sa « bonne humeur vigoureuse », l’intensité de l’écriture n’en fait pas pour autant une œuvre « légère ». Le symbolisme de la structure reste un élément essentiel de son discours. Ainsi en est-il du chiffre 3. Aux 13 instruments à vent, le premier mouvement associe le piano solo, le deuxième le violon solo, le troisième les deux instruments solistes. Cette alternance des solistes tisse un substrat sonore raffiné, à la fois simple et riche, léger et intense, dans lequel l’humour et le drame se mêlent, se répondent. L’atonalisme de l’harmonie n’est en rien un obstacle au plaisir de l’écoute. D’autant moins que les vents de l’Orchestre font des merveilles. La pianiste arménienne Varduhi Yeritsyan et la violoniste Geneviève Laurenceau, qui quitte ici son rôle de premier violon solo de l’Orchestre, s’engagent dans ce voyage avec une fougue et une finesse admirables. Il n’est pas interdit de lire comme par transparence les échos du sublime concerto « A la mémoire d’un ange », la tragédie en moins.

Bruno Mantovani dirigeant son Concerto de chambre n° 1
– Photo Classictoulouse –

Très différent de structure, d’esprit et d’instrumentation, le Concerto de chambre n° 1 de Bruno Mantovani résulte d’une commande de la Philharmonie de Berlin. Conçu pour une quinzaine de musiciens, il associe aux instruments à vent un quintette à cordes, composé de deux violons, d’un alto, d’un violoncelle et d’une contrebasse, ainsi qu’un copieux ensemble de percussions. Les deux percussionnistes ne sont d’ailleurs pas les seuls à jouer de leurs instruments. Deux musiciennes (bassoniste et hautboïste) sont notamment sollicitées pour frapper deux gongs. La partition est truffée de solos sous forme de cadences virtuoses, confiées en particulier à la clarinette, au violoncelle, au violon, comme autant de conflits instrumentaux. Le riche tissu sonore fourmille de micro-événements, de feulements, de surprises au sein desquelles les silences jouent leur propre rôle. Une caractéristique que ne renierait pas Anton Webern. Finalement, un réjouissant duo de cloches (« On se croirait à Noël » prévient le compositeur lui-même !) annonce la dernière séquence de l’œuvre. Chaque musicien joue le jeu avec une passion et un plaisir évident qui contribuent à la réussite de cet événement.

Souhaitons que l’accueil chaleureux que le public lui a réservé incite à la poursuite d’une telle expérience.

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