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Concert In memoriam

Le concert du 26 janvier dernier, donné par l’Orchestre national du Capitole, a revêtu un caractère très particulier. Un dramatique événement venait d’endeuiller toute la formation. La disparition de l’un de ses membres, aimé et estimé de tous, le violon solo Laurent Pellerin, a ainsi fait de cette soirée musicale une émouvante célébration.

Laurent Pellerin lors d’un concert des Clefs de Saint-Pierre

– Photo Classictoulouse –

L’ami, le collègue, le musicien
C’est par un communiqué sobre et sensible que le délégué de l’orchestre, Yves Sapir, annonce la triste nouvelle du décès, dans la nuit du 23 au 24 janvier, de Laurent Pellerin. Emporté par une terrible maladie, ce père de famille chaleureux, ce musicien sensible et exigeant, cet ami ouvert aux autres laisse un vide tragique, non seulement dans la communauté musicale qui entoure l’orchestre symphonique, mais bien au-delà. Rappelons que Laurent, outre ses fonctions de violon solo de l’Orchestre national du Capitole, était un passionné de musique ancienne. A ce titre, il pratiquait au plus haut niveau le violon baroque. Il occupait d’ailleurs le poste de premier violon de l’Ensemble Baroque de Toulouse, sous la direction de Michel Brun. Il a également répondu avec générosité à l’invitation de l’ensemble Les Sacqueboutiers avec lequel il a collaboré à plusieurs reprises.

Laurent Pellerin, qui assistait souvent aux concerts de ses collègues, était également un artisan convaincu de la saison de musique de chambre des Clefs de Saint-Pierre à laquelle il a souvent participé activement. Il restera dans les esprits et les cœurs de tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, ce qui est le cas du signataire de ces lignes. Que sa famille et ses amis acceptent nos plus sincères condoléances.

Après une minute de silence observée par une Halle aux Grains recueillie, le concert de ce 26 janvier est dédié à sa mémoire.

Intense ferveur

L’atmosphère de toute la soirée se trouve imprégnée d’une exaltation particulière. Le soliste invité par Tugan Sokhiev, le jeune violoniste arménien Sergey Khachatryan, était déjà venu à Toulouse, voici près de huit ans. Il n’avait pas encore vingt ans et avait impressionné le public et les musiciens par la profondeur de son interprétation du concerto de Sibelius ! Il est donc de retour dans l’un des grands concertos du répertoire romantique, celui que Johannes Brahms dédia à son ami, le virtuose Joseph Joachim. Dès l’introduction orchestrale, la ferveur exprimée prend un caractère singulier. La complainte initiale du hautbois se fait plus profonde et plus émue. Tout l’orchestre semble dans l’attente d’une consolation. L’entrée du violon solo fait émerger cette sonorité dorée, l’intensité d’un jeu sensible jusqu’au bout des notes, ce vibrato serré plein d’émotion, cette ampleur sonore éblouissante qui n’appartiennent qu’à Sergey Khachatryan.

Le jeune violoniste arménien Sergey Khachatryan, soliste du concerto de Brahms, sous la direction de Tugan Sokhiev – Photo Classictoulouse –

Le jeune virtuose ne se contente pas de développer une technique violonistique très spécifique. Il prend l’Allegro non troppo à bras le corps, brassant la matière sonore avec un sens étonnant de l’éloquence, mais toujours avec une sensibilité qui touche le cœur. Dans ce premier mouvement d’une dimension exceptionnelle, le soliste introduit dans son discours des élans de révolte, de douleur même qui bouleversent. L’Adagio calme la souffrance. Une fois encore, le hautbois d’Olivier Stankiewicz fait des merveilles. Quant au final, il permet enfin de relâcher la tension qui s’est accumulée. L’élan vital reprend le dessus. Le phrasé rebondissant du premier thème établit cette complicité souriante entre le violon et l’orchestre qui finit par s’épanouir dans un final éblouissant jusqu’à l’incandescence. L’ovation spontanée et ardente du public obtient du jeune soliste un double bis : d’une part, l’Allegro furioso de la sonate n° 2 d’Eugène Ysaÿe, avec son Dies Irae obsessionnel, d’autre part, la transcription par Komitas d’un chant folklorique arménien « The Apricot tree », dans laquelle l’interprète retrouve ses racines.

L’Orchestre national du Capitole, dirigé par Tugan Sokhiev, dans la 7ème symphonie de Dvořák – Photo Classictoulouse –

La seconde partie de la soirée, consacrée à la Symphonie n° 7, en ré mineur, d’Antonin Dvořák, rend justice à une partition trop souvent éclipsée par une neuvième symphonie un peu envahissante ! Magnifiquement équilibrée, cette œuvre de maturité mobilise toutes les ressources d’un orchestre riche et opulent. Passée l’introduction grave et presque austère, l’animation gagne tous les pupitres. Tugan Sokhiev trouve là les nuances, les élans, les contrastes de rythme et de couleurs qui font vivre la musique. Il soigne tout particulièrement les transitions, les changements d’atmosphère, les oppositions tension-détente. Chaque crescendo, chaque decrescendo apporte son lot d’émotion. Admirons les solos de clarinette (David Minetti, égal à lui-même) et de cor (Jacques Deleplancque, magistral lui aussi) si parfaitement réalisés qui nourrissent le Poco Adagio. Dansons avec les rythmes bondissants du Scherzo vivace et célébrons la victoire que semble apporter le final Allegro. Brillantissime orchestre qui déploie dans cet ultime volet sa fougue enthousiaste que le chef maîtrise avec une précision constante et néanmoins pleine de liberté. Une coda incandescente conclut la symphonie sur la joie retrouvée. Une joie bruyamment prolongée par le public heureux.

Signalons que ce concert riche en émotions était enregistré par Radio Classique et filmé par la chaîne Mezzo. Les absents pourront donc, a posteriori, en goûter les beautés.

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