Concerts

Classicisme lumineux et triomphant

Si un grand orchestre symphonique possède sa propre personnalité sonore, l’influence du chef n’en est pas moins stratégique. Sous la direction de Rinaldo Alessandrini, ce 12 avril dernier, l’Orchestre national du Capitole, si somptueusement opulent dans le répertoire romantique, a revêtu les vêtements sonores d’une formation classique « historiquement informée » de grande classe !
Quelle étonnante transformation en effet ! Force est de constater à quel point la souplesse et l’adaptabilité au répertoire constituent des qualités souveraines de la phalange toulousaine. Rinaldo Alessandrini, aussi habile claveciniste que chef d’orchestre imaginatif, spécialiste des productions de la Renaissance italienne et de la période baroque, élargit son répertoire aux œuvres du classicisme triomphant. La première Ecole de Vienne, celle qui a vu éclore les grands créateurs que sont Haydn et Mozart, constitue un magnifique terrain de renouveau de l’interprétation, renouveau auquel s’attellent quelques personnalités curieuses et passionnées comme le chef invité de ce concert. La musique de ces deux génies bénéficie ainsi d’un second souffle qui la soustrait aux habitudes d’interprétation (fort honorables au demeurant !) issues du romantisme.

Le chef d’orchestre et claveciniste italien Rinaldo Alessandrini dans sa double fonction

– Photo Classictoulouse –

Dès les premières mesures de l’ouverture de l’opéra méconnu de Joseph Haydn, « L’anima del filosofo ossia Orfeo ed Euridice », qui débute le concert, une lumière vive éclaire la sonorité de l’orchestre. Transparence, lisibilité de chaque registre, s’accompagnent d’une vitalité des phrasés, d’un relief saisissant. Les timbales en peau animent un rythme souverain. Les cordes non vibrées et d’une précision diabolique, les vents, fluides et volubiles, chaque pupitre reste audible grâce à un dosage savamment équilibré. Cette ouverture illustre en outre l’incroyable talent musical et dramatique de celui que le jeune Mozart appelait affectueusement « ce bon papa Haydn ».

Avec sa symphonie n° 39, Haydn aborde sa période « Sturm und Drang » (Tempête et Passion), précurseur du romantisme naissant. Sa tonalité de sol mineur se déploie avec une énergie, une violence même, que libère avec jubilation la direction de Rinaldo Alessandrini. Le chef met notamment en scène, avec un sens aigu du drame, ces stupéfiants silences qui ponctuent tout l’Allegro assai, animé d’un rythme presque obsessionnel. Après la marche calme de l’Andante, le Menuet, non absent d’une certaine fébrilité, héberge un trio d’une grande beauté, et néanmoins redoutable pour le pupitre de cor dont le soliste, Thibault Hocquet, réalise une belle performance. Un Finale fébrile et bourré de vitalité conclut cette exécution éblouissante.

Rinaldo Alessandrini et les musiciens de l’Orchestre national du Capitole

à l’issue du concert – Photo Classictoulouse –

L’autre face du concert, consacrée à Mozart, débute avec la fameuse ouverture des Noces de Figaro, une page aussi éblouissante qu’astucieusement construite. Du nerf, de la vie, tout concourt à célébrer la « Folle journée » comme elle l’exige. Le chef y obtient de subtiles nuances qui relancent à chaque instant la course au bonheur.

Dans la symphonie n° 39, en mi bémol majeur du génial enfant prodige, Rinaldo Alessandrini innove. L’introduction lente du premier mouvement (tradition haydnienne oblige) prend ici des allures d’ouverture à la française, telle que Bach la pratiquait : élégance et rebondissements de la mesure, jamais figée. Autre habitude transgressée, l’Andante con moto sort de sa lenteur traditionnelle, respectant en cela la signification exacte du titre : andante = allant. Un rythme irrésistible anime le Menuetto allegretto, subtilement interrompu par son trio en forme de danse paysanne. Enfin le Finale : allegro explose de vitalité. Pétillant comme du champagne, il déploie une énergie inépuisable jusqu’au dernier accord presque inattendu. Le bonheur en musique !

Les nombreux rappels du public témoignent de la joie aussi généreusement offerte. Les musiciens ne sont pas en reste pour applaudir le chef invité que l’on espère donc revoir à Toulouse.

Partager