C’est presque devenu une tradition de la saison Grands Interprètes. Le grand pianiste russe Grigory Sokolov fait chaque année étape à Toulouse dans ce cadre-là. Le public des fidèles attend cette venue avec délectation. Et chaque année ce mage du piano offre un programme longuement médité. Le 26 mai prochain, Chopin sera le seul compositeur abordé. Sokolov choisit de jouer la sonate n° 3 en si mineur et un choix de dix Mazurkas puisé dans le grand réservoir de ces danses auxquelles Chopin a conféré ses lettres de noblesse.
Le jeune Grigory entreprend l’étude du piano dès l’âge de cinq ans, suscitant l’attention du monde musical russe pour ses dons extraordinaires et précoces. À l’âge de sept ans, il est admis au conservatoire de Leningrad dans la classe de Leah Zelikhman. En 1966, tout juste âgé de seize ans, Grigory Sokolov s’impose au monde musical comme l’un des talents les plus originaux et les plus prometteurs de sa génération en remportant le Premier Prix du Concours international Tchaïkovski à l’unanimité du jury, présidé cette année-là par Emil Gilels.
Le grand pianiste russe Grigory Sokolov
– Photo Klaus Rudolph –
La profondeur de son approche musicale, l’étendue de son répertoire (de Byrd à Schoenberg), le sérieux et l’originalité de ses intentions musicales ainsi que la précision dans ses réalisations, trouvent auprès du public et de la critique mondiale la plus haute reconnaissance. Il est invité régulièrement dans les plus importantes salles de concert en Europe, aux États-Unis et au Japon. Il joue couramment à Londres, Paris, Vienne, Berlin, Amsterdam, Munich, New York.
Il a collaboré avec les orchestres les plus prestigieux, tels les Philharmoniques de New York, de Londres, de Munich, et avec plus de 200 chefs d’orchestre célèbres comme Myung-Whun Chung, Neeme Järvi, Herbert Blomstedt, Sakari Oramo, Valeri Gergiev, Trevor Pinnock…
Néanmoins, depuis quelques années Grigory Sokolov a renoncé aux engagements avec orchestre pour se concentrer sur un exigeant tête-à-tête avec le piano. Il accepte également très peu d’interviews et limite autant que possible son activité d’enregistrement. Jamais, pourtant, il n’a été aussi connu, non comme une simple star du clavier mais, aux yeux de beaucoup, comme un véritable monstre sacré.
Le programme de son récital toulousain consacré à Chopin s’ouvrira sur la 3ème sonate. Chopin a écrit seulement trois sonates pour son instrument phare. La première, op. 4, est une œuvre de jeunesse, écrite à 18 ans, de loin la moins connue. La seconde, op. 35, date de 1839 et est célébrissime notamment pour sa marche funèbre. La troisième a été écrite près de 5 ans après la précédente, durant l’été 1844, alors qu’il était en villégiature à Nohant-Vic, avec George Sand. Elle a été publiée un an plus tard mais ne semble jamais avoir fait l’objet d’une exécution en public du vivant du musicien. Elle est dédicacée à la comtesse Emilie de Perthuis, à qui le musicien a déjà dédié ses Mazurkas op. 24.
Tout au long de sa vie, des années 1825 à 1849, Frédéric Chopin a composé au moins soixante-neuf mazurkas, d’après la danse traditionnelle polonaise. Cinquante-huit ont été publiées, dont quarante-cinq du vivant de Chopin, et quarante-et-une d’entre elles ont un numéro d’opus. Treize ont paru après sa mort, dont huit ont des numéros d’opus posthume. On sait qu’il reste onze autres mazurkas, dont les manuscrits appartiennent à des collections privées (deux), ou n’ont pas été retrouvés (au moins neuf). Le numéro des cinquante-huit mazurkas publiées va jusqu’à cinquante-et-un. Les sept restantes sont désignées par leur tonalité ou leur numéro de catalogue.
Grigory Sokolov a choisi de jouer dix de ces partitions emblématiques extraites des opus 30, 50 et 68. Si Chopin respecte la trame originale de la danse, comme le dit Liszt : « Il a ennobli la mélodie, agrandi les proportions ».