Concerts

Chant céleste

Il est des musiques, des interprètes qui transportent leur auditoire bien haut, bien loin, dans des contrées heureuses… L’ensemble vocal Stile Antico et le répertoire qu’il pratique sont de ceux-là. Invités pour la deuxième fois par Les Arts Renaissants, ces jeunes chanteurs britanniques étaient les interprètes de la musique de leurs racines le 17 janvier dernier, dans l’église du musée des Augustins.
Ce concert intervient au moment où l’on apprend la disparition du grand Gustav Leonhardt, personnalité musicale exceptionnelle qui devait venir à Toulouse donner un récital le 20 mars prochain. Le jeune et talentueux Benjamin Alard donnera, ce soir-là, un récital de clavecin et d’orgue en hommage à ce défricheur du passé. Celui que l’on qualifiait parfois de Pape de la musique ancienne « est parti rejoindre Johann Sebastian Bach pour faire de la musique avec lui » comme le formule avec émotion Jan Willem Jansen au cours du concert. Les musiciens de Stile Antico dédient leur intervention toulousaine à ce prophète d’un répertoire qui lui doit une grande partie de sa résurrection.

L’ensembe vocal anglais “Stile Antico”
en l’église des Augustins (Photo Classictoulouse)

Leur précédent concert du 14 janvier 2009 avait déjà fasciné le public et la critique par la pure beauté de leur performance. Les voici de retour au service des compositeurs anglais majeurs de la Renaissance dont ils savent mieux que quiconque transmettre les beautés sonores et expressives. L’homogénéité des timbres, leur fusion angélique, l’incomparable précision de l’ensemble, comme si les voix émanaient d’une seule et même source, tout concourt à donner une idée de la perfection. Les regards permanents échangés entre les chanteurs assurent cette exceptionnelle cohésion.

Tout commence par le Plainchant « Veni Emmanuel », projeté des tréfonds de l’église : les voix du bout du monde. Puis se déroule un programme d’une belle invention. Son épine dorsale repose sur la messe « Puer natus est » du maître Thomas Tallis dont les épisodes développés alternent avec de courts motets de l’élève William Byrd. La proximité des deux musiques en souligne les similitudes et les différences. Tallis, céleste et comme soulevé par une douceur angélique, procède par vagues successives dans une écriture qui représente une sorte d’idéal de la polyphonie. Byrd, quant à lui, s’exprime avec plus de chair, dans un discours chaleureusement terrestre. Ainsi se succèdent le Gloria monumental, complexe et subtil, le Sanctus et le Benedictus vibrants d’émotion et enfin l’imploration bouleversante de l’Agnus Dei de la Missa « Puer natus est ». Les pièces de William Byrd qui s’intercalent, courtes et vigoureuses, apportent une sorte de contrepoint expressif étonnant. Ainsi en est-il du « Tollite portas » de l’intense « Ave Maria » du très dynamique « Rorate caeli » et de « Ecce Virgo concipiet », d’une rare intensité.

Trois autres compositeurs, moins connus, de la même époque révèlent quelques étincelantes pépites. Le « Magnificat » de Robert White alterne des épisodes de Plainchant et de fervents développements polyphoniques. Un impressionnant crescendo conclut cette pièce étonnante. Chanté de loin, comme par la voix des anges, « Audivi vocem de caelo » rappelle l’importance de son auteur John Taverner. Enfin, après un nouveau Plainchant proféré par les seuls chanteurs masculins de l’ensemble, le programme s’achève sur le sublime « Verbum Caro » d’un certain John Sheppard. Débutant comme une aube naissante, ce motet se referme sur un final exaltant, comme une ascension céleste.

Une ovation chaleureuse obtient des chanteurs une page supplémentaire signée cette fois Tomás Luis de Victoria, le grand compositeur espagnol exact contemporain de William Byrd.

Une certaine idée du bonheur !

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