Concerts

Bouleversant voyage au bout de l’hiver

Le quatrième événement du cycle des Présences Vocales, consacré aux musiques contemporaines, associait Franz Schubert et Hans Zender au Théâtre du Capitole, le 20 mars dernier. Intitulée Schuberts Winterreise, l’œuvre unique inscrite au programme apparaît comme un hommage du compositeur et chef d’orchestre allemand Hans Zender, né en 1936, vis-à-vis du cycle magique de lieder de Schubert Winterreise (Voyage d’hiver). Le ténor Markus Brutscher et l’ensemble instrumental Klangforum Wien, dirigé par Emilio Pomárico, révélaient ainsi à Toulouse cette partition bouleversante et forte.

Le ténor Markus Butscher et l’ensemble Klangforum Wien, dirigé par Emilio Pomárico

Photo Gil Pressnitzer –

On se sort pas indemne d’une telle confrontation ! En réalisant ce qu’il nomme une « interprétation composée » du célèbre cycle schubertien, Hans Zender va au bout d’une démarche d’explicitation étonnante fondée sur l’admiration. En 1993, il choisit ainsi d’orchestrer la partition de piano du cycle avec les outils compositionnels de sa propre époque. Il confie alors cet « accompagnement » (un mot bien réducteur pour le rôle essentiel joué par l’ensemble instrumental) à vingt-quatre musiciens, dont un groupe important de percussionnistes. En revanche, il conserve intégralement les textes originaux de Wilhelm Müller et la partition de Schubert chantée ici par le ténor. A peine introduit-il à certains moments stratégiques, des silences, comme autant d’hésitations qui soulignent la fragilité de la confidence. Ce faisant, il semble prolonger le propos musical de Schubert qu’il explicite avec son langage d’aujourd’hui. Il dégoupille ainsi des bouffées d’émotion qui submergent l’auditeur.

Le ténor allemand Markus Brutscher, brillant soliste de ce Schuberts Winterreise

– Photo Gil Pressnitzer –

Tout commence par un prélude instrumental d’une puissance évocatrice implacable. Le premier lied « Gute Nacht » (Bonne nuit), est introduit par une évocation tragique de la marche, ce « wandern », cette errance du monde germanique. Emergeant doucement du silence, soumise à un crescendo implacable, cette introduction atteint un paroxysme insoutenable que la voix seule parvient à calmer. Ou plutôt à intérioriser. Tout au long de la succession de ces vingt-quatre lieder, les atmosphères les plus intenses s’opposent et se renforcent. C’est une tragédie en marche à laquelle on assiste. Les musiques de coulisse interviennent par instant comme dans cet étonnant « Irrlicht » (Feu follet). Le compositeur n’hésite pas à mettre ses musiciens en danger en leur imposant des séquences proprement injouables.

Ainsi, le trombone se voit confier la phrase essentielle de « Wasserflut » (Torrent) dans un suraigu à dessein impossible à atteindre. A l’opposé, il propose quelques plages de tendresse, comme dans le « Frühlingstraum » (Rêve de printemps), ou de profond désespoir, dépassé et assumé, ainsi que le traduit ce choral beau à pleurer de « Das Wirtshaus » (L’auberge). Lorsque retentissent les première paroles de « Der Leiermann » (Le joueur de vielle) qui conclut tragiquement le cycle, l’émotion est à son comble. Comment résister à une telle détresse, à ce retour au silence initial, au silence de la nuit infinie, de la mort acceptée ?

Il faut tout d’abord admirer la performance de Markus Butscher. Voix solide, souple, expressive, interprétation pensée et pourtant spontanée, prononciation d’une netteté sans dureté. Il mène ce voyage à son terme avec une musicalité sans faille et un art consommé. Quant à l’ensemble instrumental Klangforum Wien, il réalise des merveilles de nuances, de finesse et de force, dirigé avec passion et précision par Emilio Pomárico, rompu à cet exercice. Oui vraiment, comme je l’indiquai plus haut, on ne sort pas indemne d’une telle expérience artistique. Encore merci aux organisateurs de ce cycle salutaire et à Frédéric Chambert, directeur du Théâtre du Capitole, pour avoir accueilli ce bouleversant spectacle.

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