Concerts

Beethoven et Brahms résistent à tous les changements !

L'Orchestre national du Capitole dirigé par Elias Grandy, avec le pianiste Mao Fujita - Photo Classictoulouse -

Les deux concerts de l’Orchestre national du Capitole des 7 et 8 décembre derniers ont finalement eu lieu malgré les défections en cascade des interprètes invités. Un grand bravo à l’administration de l’Orchestre qui a ainsi permis de maintenir le programme prévu et la qualité de son exécution.

Petit résumé. En raison de problèmes de santé, Maria João Pires, initialement prévue comme soliste, a été contrainte d’annuler tous ses concerts pour une durée indéterminée. C’est le pianiste Jean-Frédéric Neuburger qui devait la remplacer. Nouveau contretemps, en raison de problèmes de santé, Tugan Sokhiev est à son tour contraint d’annuler sa venue. Il est remplacé par une étoile montante de la scène internationale, le chef d’orchestre Elias Grandy. Maria João Pires n’est finalement pas remplacée par Jean-Frédéric Neuburger, qui lui aussi déclare forfait, mais par le jeune et talentueux pianiste japonais Mao Fujita.

Ce sont donc ces deux jeunes artistes qui assurent avec panache ces remplacements successifs et se présentent devant un public nombreux et compréhensif lors de ce premier concert du 7 décembre.

Après des études de violoncelle, Elias Grandy, né en 1980 de parents allemands et japonais, a débuté sa carrière de chef comme Résident au Staatstheater de Darmstadt et peu après a gagné le prestigieux prix de la Sir Georg Solti International Conducting Competition. En 2015, il a été nommé Directeur musical à Heidelberg jusqu’en 2023. Elias Grandy a fait des débuts remarqués avec des orchestre renommés comme le Symphonique de Vienne, le Philharmonique d’Osaka et l’Orchestre du Minnesota.

De son côté, Mao Fujita, né en 1998 à Tokyo, était encore en cours d’études au Tokyo College of Music en 2017 lorsqu’il a remporté le Premier Prix du prestigieux Concours International de Piano Clara Haskil, accompagné du Prix du Public, du Prix Modern Times et du Prix Coup de Cœur. Il a également obtenu la Médaille d’Argent au Concours Tchaïkovski de Moscou de 2019, ce qui a attiré une attention toute particulière de la part des membres éminents du jury.

Le pianiste japonais Mao Fujita, soliste du 4ème concerto de Beethoven – Photo Classictoulouse –

C’est ce jeune et talentueux pianiste japonais qui ouvre le concert comme soliste du Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur, op. 58, de Ludwig van Beethoven. Cette œuvre effervescente réunit toute l’invention créatrice d’un compositeur à son zénith. Secondé par un orchestre parfaitement dominé par le chef, Mao Fujita aborde l’Allegro moderato initial avec une passion juvénile. Son toucher d’une belle transparence, s’intègre bien dans un continuum orchestral équilibré qui lui laisse généreusement la parole. Dans l’Andante con moto, la conversation animée entre le piano et l’orchestre évoque bien ici la vibrante plaidoirie d’Orphée réclamant le retour parmi les vivants de son Eurydice que de nombreux commentateurs y détectent. Enfin, passion et musicalité vont de pair dans le Rondo (Vivace) final. On admire en particulier l’élaboration imaginative qui habite les deux cadences des mouvements extrêmes, menées avec ferveur par Mao Fujita. Un bis original répond aux acclamations du public. Il s’agit d’une courte pièce du compositeur japonais Akio Yashiro (1929-1976) d’une simplicité lumineuse qui témoigne de la diversité du jeu de ce jeune pianiste que l’on espère revoir sur les bords de la Garonne.

Le chef d’orchestre et le pianiste au salut – Photo Classictoulouse –

La quatrième et dernière symphonie de Johannes Brahms complète harmonieusement le programme de cette soirée. Avec cette partition, le compositeur semble être parvenu à une synthèse heureuse. Celle qui rassemble la référence (même la révérence) à celui qui reste pour Brahms l’emblème de la symphonie, Ludwig van Beethoven, et l’envie d’innover, dans la forme comme dans le fond. Lors de ce concert du 7 décembre, le chef invité souligne les éléments de tension extrême du discours tout au long des quatre mouvements classiques qui se succèdent. Il aborde l’Allegro non troppo initial avec une énergie résolument dramatique qui se poursuit, dans l’Andante moderato sous la forme d’une inquiétude contenue, néanmoins perceptible.

Le chef invité Elias Grandy – Phoro Classictoulouse –

Le troisième mouvement, Allegro giocoso – Poco meno presto, se déroule sur un tempo vif, parfois précipité. La passacaille qui constitue la structure du final Allegro energico e passionato – Più allegro, se développe dans une atmosphère encore proche de la tension qui parcourt toute l’œuvre. On peut regretter que cette tension n’alterne que rarement avec la détente nécessaire à un équilibre expressif. Quoiqu’il en soit, la précision du jeu instrumental, le bel équilibre sonore entre les cordes et les vents constitue un atout de cette exécution.

L’accueil chaleureux que le public réserve aux interprètes conforte le choix du maintien de ce programme avec celui des artistes invités.

Serge Chauzy

Programme des concerts donnés les 7 et 8 décembre 2023 à la Halle aux Grains de Toulouse :

  • Ludwig Van Beethoven : Concerto pour piano n°4 en sol majeur, op. 58
  • Johannes Brahms : Symphonie n°4 en mi mineur, op. 98

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