Concerts

Baptême “gastronomique” à l’Escale

A l’occasion de l’ouverture de sa saison d’abonnement, l’Orchestre de Chambre de Toulouse inaugure un nouveau lieu de résidence. Après avoir animé la salle Le Phare à Tournefeuille, les musiciens toulousains investissent la nouvelle réalisation architecturale de cette dynamique municipalité, le complexe culturel baptisé l’Escale. Le premier concert de la saison a eu lieu le 22 septembre dernier devant un public conquis par la musique offerte autant que par l’écrin qui l’héberge.
Enchâssée dans un ensemble esthétiquement très séduisant qui réunit un espace de petite restauration et une belle terrasse extérieure, la salle de spectacle elle-même présente des qualités bien adaptées aux spectacles musicaux. Sobriété d’une décoration qui concentre l’attention vers le vaste plateau de 200 m2, confort raisonnable et espace individuel généreux pour une salle entièrement modulable de 491 places, acoustique opulente mais précise et parfaitement accueillante aux belles sonorités des cordes de cet Orchestre de Chambre de Toulouse en grande forme.

Le difficile choix des musiques pour Gilles Colliard et l’Orchestre de Chambre de Toulouse lors du « Concert à la criée », à l’Escale de Tournefeuille

– Photo Classictoulouse –

C’est avec un nouveau menu musical que Gilles Colliard et ses complices ouvrent donc leur saison. Ils offrent au public, friand de cette formule particulière, un de ces « Concerts à la criée » dont la formation toulousaine s’est fait une spécialité. Le chef (dans tous les sens du terme) Gilles Colliard, devenu maître-queux pour l’occasion, prend donc les commandes auprès de spectateurs gourmands. La carte des plats en main, chacun peut alors choisir ses mets préférés. Mis à part l’amuse-bouche, offert en introduction, pas moins d’une vingtaine de plats sont proposés aux suffrages des convives affamés. Cette année, la Criée se fait baroque ! Des musiques italiennes, françaises et allemandes du tournant des 17ème et 18ème siècles, jouées comme il se doit sur instruments « anciens », s’offrent ainsi au choix de tous.

Mais tout commence par un amuse-bouche imposé, la fameuse Marche des Turcs extraite du Bourgeois Gentilhomme, de Jean-Baptiste Lully. Cette première exécution vient opportunément rappeler à quel point les musiciens toulousains ont assimilé le style et la finesse du jeu « historiquement informé ». Pour le choix des deux entrées parmi les six proposées, le terme de « criée » traduit bien le déchaînement du public qui hurle à qui mieux mieux ses préférences. Le maître d’hôtel, autrement dit Gilles Colliard, prend les commandes avec patience et bonne humeur. Le choix du public se porte d’abord sur la suite n° 2 de l’opéra The Fairy Queen du grand Henry Purcell : quatre danses pleines de charme et de finesse que l’orchestre anime avec conviction. Suit l’un des nombreux Concerti grossi du virtuose violoniste Arcangelo Corelli.

Parmi les six plats principaux proposés, le public choisit tout d’abord le très brillant Concerto pour quatre violons d’Antonio Vivaldi. Aux côtés de Gilles Colliard, les trois autres solistes, Chandra Varona, Ana Sanchez-Hernandez et Anaïs Holzmann échangent leurs traits virtuoses avec panache. Les variations sur le thème de La Follia (un véritable « tube » baroque) d’Arcangelo Corelli, adaptées pour orchestre à cordes par Francesco Geminiani, organisent une compétition de virtuosité entre le violon solo (Gilles Colliard) et le violoncelle solo (Anne Gaurier).

Un seul fromage (mais français, monsieur !) complète ces délices. Il s’agit de la pièce réjouissante de Jean-Féry Rebel intitulée Les caractères de la danse, sorte de pot-pourri des pas pratiqués dans les cours. Le sublime Aria de la Suite en ré, de Johann Sebastian Bach, constitue un dessert d’un suprême raffinement, que complète la surprise concoctée par les musiciens sans leur chef, le Dessert des marmitons…

Signalons que, pour la première fois, quelques vins généreux viennent agrémenter les plats. Ils sont offerts alternativement, en soliste, par Gilles Colliard et Anne Gaurier. Tartini et Bach humectent ainsi les gosiers.

Enfin, Mozart offre le champagne avec l’Allegro de son Divertimento K 137. Baptême réussi !

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