Concerts

Attention, chefs-d’œuvre !

Ce mot de chef-d’œuvre, il est vrai, se retrouve trop souvent sous les plumes les plus diverses. Mais comment qualifier autrement les deux partitions inscrites au programme du premier concert de la saison de musique de chambre des Clefs de Saint-Pierre, ce 2 octobre dernier ?

Les deux quintettes pour clarinette et cordes de Mozart et de Brahms appartiennent à cette partie du patrimoine musical qui semble faite pour durer une éternité. Comme si les compositeurs avaient été un instant tout particulièrement touchés par la grâce.

Les musiciens de l’Orchestre du Capitole, investis dans cette tâche privilégiée d’interprètes de ces deux chefs-d’œuvre ont su aborder chaque partition avec le style, l’intention, le pouvoir expressif idéalement adaptés.

Comme le rappelle Laurent Pellerin, qui présente le concert avec le talent de celui qui sait, un siècle sépare ces deux œuvres. Les interprètes privilégient ainsi la transparence de la ligne mélodique chez un Mozart économe en vibrato des cordes, alors que la densité sonore et la passion du discours animent les propos de Brahms.

Dès l’entrée en scène de la clarinette, dans le quintette de Mozart, le ton est donné. L’apparente légèreté de la phrase, comme la surface calme d’un lac, recouvre d’insondables profondeurs. David Minetti ne se contente pas de la pure beauté sonore de son timbre somptueux. Il déploie un jeu incomparable de finesse, de subtilité, un legato de prima donna, un chant sur le souffle, en un dialogue intime avec les cordes. Le deuxième mouvement, larghetto, bouleversant de grâce absolue, s’insinue comme ce « sourire à travers les larmes » qui illumine les plus fortes partitions de Mozart.

Tout autre, mais aussi intense, l’exécution du quintette de Brahms obéit à un schéma d’une force de conviction peu commune. S’ouvrant sur une douceur passagère qui plane un instant, elle développe une véritable orchestration qui nourrit un dialogue animé. Les interprètes utilisent la virtuosité des échanges instrumentaux comme un puissant moyen d’expression. L’adagio tient du miracle, rêverie et passion mêlées. Là encore, David Minetti atteint les limites d’une dynamique au service de la musique : pianissimi impalpables, forte impressionnants et toujours très timbrés.

Il faut rendre grâce aux membres de quatuor à cordes (Laurent Pellerin et Fabien Mastrantonio, violons d’un beau raffinement, Bruno Dubarry, alto à la sonorité d’airain, Pierre Gil, violoncelle au phrasé si lyrique) pour leur musicalité accomplie.

L’anniversaire de David Minetti sert d’argument à un bis en forme de variations sur « Happy Birthday ». Il ne manque que le gâteau et les bougies…

Partager