Concerts

Altos en folie

Pour son dernier concert de la saison, le 19 mai dernier, l’association des Clefs de Saint-Pierre avait choisi de convoquer tout un pupitre de l’Orchestre National du Capitole. Et pas celui dont on parle le plus, puisqu’il s’agit du pupitre d’altos. Pas non plus celui dont on parle le mieux, l’équivalent des blagues belges lui faisant une injuste réputation ! Le succès de cette démonstration musicale majeure vient mettre en pièces ces préjugés infondés. Il témoigne de la qualité dont peut s’enorgueillir l’aile droite de l’Orchestre National du Capitole !

Les 13 musiciens du pupitre d’alto de l’Orchestre National du Capitole

– Photo Classictoulouse –

Comme l’évoque Serge Kricheswsky, le très actif et très compétent présentateur de ces concerts, la multiplication des plaisanteries désobligeantes à l’endroit d’un instrument prétendument discret (et faux !) n’a pas d’équivalent dans le zoo instrumental. Il fallait bien un déploiement de la sorte pour battre en brèche une telle « mauvaise réputation » (pour paraphraser ce cher Brassens).

Ainsi, ce soir-là, pas moins de treize musiciens apparaissent sur le podium de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines pour ce défi. Douze étaient initialement annoncés, douze parmi lesquels la parité exacte masculin/féminin était d’ailleurs respectée. L’arrivée d’un musicien nouvellement recruté, le québécois d’origine taïwanaise Lambert Chen, s’il rompt un peu cette parité, permet à cet effectif d’atteindre le chiffre fatidique porte-bonheur ! Nul doute que ses collègues et tous les mélomanes lui souhaitent une chaleureuse bienvenue.

Se partageant avec humour et culture la présentation de chaque pièce, les musiciens se rassemblent et se succèdent dans un déploiement d’instrumentations adaptées aux pièces du programme. Débutant par un hommage à celui qui pratiquait l’alto (entre autres instruments) avec constance et ardeur, Johann Sebastian Bach, l’effectif complet se lance bravement dans l’exécution de la transcription pour quatre parties d’alto de la Chaconne de sa 2ème Partita pour violon seul, transcription que l’on doit au Japonais Ichiro Nodaira. La polyphonie complexe passe donc d’un violon unique à treize altos. L’analyse vient confirmer, si besoin était, le génie du fondateur de notre musique occidentale.

Le quatuor, interprète des Variations sur les Folies d’Espagne de Garth Knox

– Photo Classictoulouse –

Réduit, si l’on peut dire, à huit, l’effectif s’attaque ensuite à la Suite for eight violas (Suite pour huit altos) du Britannique Gordon Jacob, disparu en 1984. Les quatre mouvements qui la composent sont dédiés au célèbre altiste anglais Lionel Tertis. Nos chers musiciens excellent en particulier dans l’expression nostalgique du premier volet intitulé Dedication. La légèreté gracieuse du Scherzo, la tendresse de Chorale et la vivacité allègre de la Tarentelle n’échappent pas à la finesse des interprètes.

Avec les Marin Marais Variations on « Folies d’Espagne » for four violas, le compositeur également britannique Garth Knox établit une sorte de catalogue de toutes les possibilités de jeu de l’instrument. En quelques sortes, l’alto dans tous ses états. Jeu d’harmoniques, pizzicati, glissandi, rebondissement de l’archet, jeu sur le ponticello, trémolo, et même quarts de tons se succèdent pour illustrer ce fameux motif des Folies d’Espagne qui a connu à l’époque baroque le sort des tubes les plus visités. Chacun des quatre musiciens impliqués se prête à l’exercice avec toute la bonne humeur que réclame une telle démonstration.

Les interprètes de la Fantaisie for four violas de York Bowen – Photo Classictoulouse –

Gilles Apparailly, l’un des altistes de la sympathique fratrie, est le compositeur de la pièce suivante intitulée, avec un clin d’œil très cinématographique, The Altiste ! Ce savoureux medley intègre avec humour et finesse de multiples citations de pièces pour alto signées des plus grands compositeurs qui ont été séduits par l’instrument : de Carl Stamitz à Dimitri Chostakovitch, en passant par Hector Berlioz, Paul Hindemith ou encore William Walton. En quelques sortes, une véritable fête de l’alto à laquelle les musiciens mêlent même leurs voix tonitruantes.

La Fantaisie for four violas (Fantaisie pour quatre altos), du compositeur, pianiste, altiste et corniste (excusez du peu !) et néanmoins anglais, York Bowen, évoque irrésistiblement un authentique quatuor à cordes. Chaque instrument semble occuper en effet un spectre de tessiture spécifique, du violon au violoncelle. Ecrite en 1907, cette belle partition sonne avec un accent incroyablement français. Ravel, Debussy ne semblent pas très éloignés.

Gilles Apparailly présente sa pièce originale et délicieusement iconoclaste The Altiste

– Photo Classictoulouse –

C’est de nouveau à Gilles Apparailly que l’on doit l’arrangement de trois extraits de la plus célèbre des œuvres du Britannique (encore !) Gustav Holst, The Planets, qui conclut le programme. Mars et son trépignement guerrier, la paisible et aérienne Venus, et enfin la joyeuse Jupiter rassemblent enfin l’effectif complet des musiciens.

L’ovation unanime du public salue la performance. Du coup nos valeureux altistes reviennent pour une version « améliorée » par Christopher Waltham, violoncelliste (comment ça !) de l’Orchestre toulousain, de Trepak, extrait de Casse-noisette de Tchaïkovski. Suivent encore une adaptation de Gilles Apparailly de Bluesette, de l’harmoniciste belge Toots Thielemans, et enfin un retour à L’Altiste et ses douces folies.

Qui après cela pourra encore railler l’art de l’altiste ?…

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