Concerts

Soyons fous !

Un seul motif, une seule mélodie tout au long d’une même soirée, cela ressemble à une gageure. Le défi est relevé avec panache et esprit par Jean-Marc Andrieu et son orchestre Les Passions lors du concert du 2 février dernier, en la chapelle Sainte-Anne. Intitulé « Folies d’hier et d’aujourd’hui », le programme du concert se veut une illustration du fameux thème des « Folies d’Espagne », ou « Follia » en italien, qui fit florès au cours des cinq derniers siècles.

De gauche à droite : Flavio Losco, Nirina Bougès, violons, Marie-Laure Besson, alto,

Jean-Marc Andrieu, flûte à bec et direction, Etienne Mangot, violoncelle, Jean-Paul Talvard, contrebasse, Yasuko Bouvard, clavecin, Ronaldo Lopes, guitare

© Fabienne Azéma

On estime que plus de cent cinquante compositeurs ont fait appel à ces quelques mesures dont l’origine se perd dans la nuit des temps… Il s’agit pour Les Passions d’explorer une petite partie de ce trajet historique, de réaliser un petit échantillonnage de réalisations caractéristiques. Avec, cerise sur le gâteau, une création à la clé, celle d’une nouvelle partition du compositeur toulousain Thierry Huillet, décidemment très sollicité. Après la création de son triptyque « De la Nuit » lors du dernier concert des Arts Renaissants, voici « Folies ! », la commande de l’orchestre Les Passions.

Mais tout commence avec Vivaldi. Sa Sonate pour deux violons et basse continue intitulée précisément « La Follia » donne le la (en fait le ré !) de la soirée. L’obsession se met progressivement en place, comme une marche par étape vers la frénésie d’une ornementation foisonnante, hérissée de difficultés qui alimentent en adrénaline les musiciens, mais aussi le public. Suivent deux partitions composites qui mêlent chaque fois les contributions de deux grands créateurs du passé. La première est un arrangement de la transcription pour flûte à bec de la sonate de Corelli et sa version pour cordes de Geminiani. Jean-Marc Andrieu, l’auteur de cette savoureuse cuisine, joue de sa flûte-oiseau en soliste. Mélange savant de poésie virtuose.

Le violoniste Flavio Losco et le gambiste Etienne Mangot se livrent ensuite à un duo-duel, sur fond de basse continue, dans un autre arrangement mêlant Corelli, pour le violon, et Marin Marais, pour la viole de gambe. Babillage effréné qui s’achève sans vainqueur ni vaincu. Yasuko Bouvard se lance alors dans une série surprenante de 12 variations pour clavecin sur le même thème, variations signées Carl-Philipp-Emanuel Bach, le fils chéri de son père. Etonnantes modulations dont la liberté réjouit l’esprit et le cœur et que l’interprète intègre avec naturel dans le discours.

Thierry Huillet saluant après l’exécution de son oeuvre « Folies ! » avec les musiciens de l’orchestre « Les Passions » – © Classictoulouse

La liberté absolue, mais puissamment balisée, de l’œuvre en création conclut le concert. Comme toujours l’originalité caractérise l’inspiration de Thierry Huillet. Néanmoins, plaçant ses pas dans les traces de ses grands prédécesseurs, le compositeur de « Folies ! » élabore une série de variations sur le fameux thème, empruntant à de multiples influences musicales. Son éblouissant kaléidoscope explose sur une sorte de big-bang sonore, image bouillonnante et vraiment folle d’où émerge peu à peu l’organisation de ces variations, à l’image d’un Jean-Féry Rebel qui ouvre en 1737 son étonnante création du monde, « Les Eléments », sur le chaos initial. Le thème se construit peu à peu comme en voyage. L’Espagne « pointe sa corne », avec la complicité de la guitare habile de Renaldo Lopes. Un rythme de tango déhanche la démarche. La flûte à bec, ou plutôt LES flûtes à bec, jouées simultanément par Jean-Marc Andrieu, empruntent tous les effets possibles jusqu’à la technique du flatterzunge. Humour, suspense, fièvre animent tour à tour ce brillant exercice de style jusqu’à sa conclusion sur une sorte de fugue en forme de clin d’œil. Un vrai bonheur… fou !

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