Danse

Danser Chopin ? Un pari fou !

Entrée au répertoire de notre première scène nationale en 2006, cette chorégraphie est créée en 1978 par le Ballet de Stuttgart. Après avoir abandonné l’idée d’emprunter à Verdi et sa Traviata la musique de son ballet, l’Américain John Neumeier se tourne vers Chopin pour illustrer musicalement La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, chef d’œuvre de la littérature romantique.
Certes, le catalogue du compositeur cher au cœur de George Sand accumule valses, mazurkas et autres polonaises, mais, pour autant, sa musique est-elle une musique à danser ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, pour l’anecdote et sans avoir valeur de démonstration formelle, les meilleures relations féminines de Chopin furent plutôt des cantatrices que des ballerines… Il fallait donc un chorégraphe particulièrement sensible, porteur d’émotions, totalement pénétré de ces compositions pour imaginer un ballet en parallèle à ces dernières.

Scène d’ensemble – Crédit photo : Svetlana Loboff –

En sélectionnant une quinzaine d’opus de Chopin, dont l’intégrale du 2nd concerto, John Neumeier les a littéralement sortis du ghetto des concerts dans lequel ils trouvent leur seul lieu d’expression naturel, atomisant de facto leur image de « facilité précieuse » dans laquelle ils sont confinés. Saluons au passage le chef d’orchestre James Tuggle, l’Orchestre de l’Opéra de Paris et les pianistes Emmanuel Strosser et Frédéric Vaysse-Knitter pour leur large contribution au succès de cette soirée.

S’appuyant sur un fait aussi réel que troublant, à savoir la découverte dans les biens de Marie Duplessis, alias Marguerite Gautier à la scène, d’un exemplaire largement annoté par elle-même de la Manon Lescaut de l’Abbé Prévost, le chorégraphe imagine, dans le cadre du Théâtre des Variétés servant de décor au 1er acte, un ballet, Manon Lescaut, dans le ballet, La Dame aux camélias, Manon et des Grieux devenant les reflets anticipés et vivants du destin des héros d’Alexandre Dumas fils.

Requérant des danseurs de très grand talent, John Neumeier leur demande en plus d’être des interprètes de théâtre, capables, au sein d’un schéma chorégraphique pseudo-académique, de livrer une authentique lecture dramatique de la passion la plus pure comme la plus vibrante. Dans les magnifiques décors et costumes de Jürgen Rose et les évocatrices lumières de Rolf Warter nous est alors donnée à voir une géniale fusion des corps et de la musique. Certainement l’une des œuvres les plus complexes mais aussi des plus achevées de ce chorégraphe.

Duo Marguerite (Laura Hecquet) et Armand (Florian Magnenet)

– Crédit photo : Svetlana Loboff –

Quand Manon dame le pion à Marguerite
En cette soirée du 14 décembre, le public n’aura palpité qu’aux amours malheureuses de Manon et de Des Grieux. Il faut dire que ces emplois, a priori secondaires, sont tenus ce soir par deux Etoiles littéralement irradiantes. Ludmila Pagliero est une palpitante Manon, tout à la fois volage et amoureuse, d’une sensualité troublante, lumineuse, irrépressible. Ses apparitions sont autant de moments littéralement ensorcelants. Tout comme celles de son Chevalier, ici Germain Louvet, sublime lui aussi d’émotion prégnante doublée d’un élan physique vertigineux vers celle qui le hante. Un duo qui franchit les limites de la danse pour nous amener vers les mondes où enfin se rejoignent l’amour et la mort. Somptueux et difficile de faire mieux, même aussi bien pour le couple-vedette de la soirée, alias Marguerite et Armand. S’il n’y a rien à reprocher à la technique d’acier de Laura Hecquet (Etoile), peut-être pouvons-nous faire des réserves sur le côté minéral de son interprétation, une interprétation un rien figée, distante, extérieure, désincarnée, une interprétation dans laquelle l’émotion est absente. Dommage car Florian Magnenet (Premier danseur) incarne un Armand qui, lui, ne manque pas de vibration. Paradigme du danseur romantique, dont il maîtrise les élans, les envolées, les abandons, et toute la grammaire virtuose de John Neumeier, il semble ce soir-là un peu anxieux sur ses portés, figure « signature » chez ce chorégraphe. Rien de méchant mais un peu de crispation peut être contagieuse chez sa partenaire… Cela dit, il en est ainsi du spectacle vivant. C’est d’ailleurs cette tension plus ou moins maîtrisée qui en fait tout le charme. Le Corps de ballet, toujours fidèle à ces rendez-vous prestigieux, apporte sa précieuse contribution à une soirée qui fut longuement applaudie.

A noter que la distribution des principaux rôles change tous les soirs.

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