Maurice Béjart nous a quittés ce 22 novembre, à 80 ans, dont plus de 65 consacrés à la Danse.
Son regard, éclair bleu dans un visage de faune, son sourire méphistophélique, son charisme, que n’avait pas détruit la maladie, voilà ce qui restera dans la mémoire de tous ceux, nous, à qui il avait fait découvrir non pas une autre danse, mais la Danse.
Né un 1er janvier, en 1927 à Marseille, d’un père philosophe père de la prospective, Gaston Berger, et d’une mère trop tôt disparue, Maurice–Jean Berger va d’abord découvrir le théâtre, puis la danse pour fortifier « son corps malingre » comme le préconise le médecin de famille. S’essayant aux études philosophiques, il abandonne assez vite l’université pour s’adonner entièrement à la danse, troquant son nom pour celui de Béjart en hommage déguisé à Molière. C’est à Marseille d’abord, puis à Paris et à Londres qu’il parfait sa formation classique.
Mais très vite il est attiré par la chorégraphie et fonde en 1953 sa propre compagnie.
En 1954, c’est Martha Graham et le choc de la danse contemporaine et de l’école américaine. Un an plus tard, il fait ses débuts de chorégraphe avec « Symphonie pour un homme seul ». Sortant des sentiers battus, il décrit cette œuvre comme « la recherche d’un langage de base ». En 1959, il créé « Le sacre du printemps » et c’est un immense succès. Il fonde alors à Bruxelles le désormais mythique « Ballet du XXème siècle ». L’année suivante, il signe « le Boléro » de Ravel, ballet dont le succès ne s’est jamais démenti jusqu’à aujourd’hui. Dès lors, le chorégraphe remplit des stades, des arènes, d’immenses auditoriums, avec des ballets comme « La Messe pour le temps présent », la « Neuvième Symphonie ». S’amusant au mélange des genres, il juxtapose le classique le plus pur aux mouvements les plus contemporains.
Sa recherche d’un public différent, lui fait trouver son langage propre, sa couleur. Maurice Béjart irrite et déconcerte les « balletomanes », et fascine le public. Il redonne, ou plutôt, donne une vraie place aux danseurs jusque là cantonnés aux rôles de princes « faire valoir » de la ballerine, avec quelques minutes de gloire dans l’espace réduit des variations virtuoses. L’apport de Béjart n’est pas dans le vocabulaire ; au contraire, son langage reste fidèle à la grammaire classique, mais il a su métamorphoser les créations chorégraphiques.
Au Liceo de Barcelone pour un « Dernier salut »
Il a su faire une synthèse de la danse classique et de la danse moderne, qui les dépasse et les réconcilie tout à la fois. Il laisse les tutus dans les malles, mais garde chaussons et pointes, les pourpoints de velours et de soie disparaissent au profit des collants qui (dés)habillent filles et garçons, laissant toute leur pureté aux mouvements des corps. Cette vision de l’art du ballet, c’est celle qu’il a voulu donner à ses interprètes. Et au firmament des étoiles, combien ont brillé auprès de Béjart ! Patrick Belda, l’héritier artistique si tôt disparu, Paolo Bortoluzzi, Luciana Savignano, Suzanne Farrel, Germinal Casado, Victor Ullate, Maïa Plissetskaïa, Sylvie Guillem, Patrick Dupond, et tant d’autres… Et bien sûr, Jorge Donn, celui qui inspire le maître et fait naître les plus belles parmi ses œuvres. Le chorégraphe affirmait : « On ne fait pas une chorégraphie comme ça, dans le vide, on fait une chorégraphie sur quelqu’un, avec quelqu’un ».
Il avait trouvé en Jorge Donn, le miroir fidèle de son inspiration.
Maurice Béjart ne craignait pas la mort. Elle était présente dans beaucoup de ses ballets, toujours sous les traits d’une très belle femme. Il sait maintenant « Ce que la Mort lui dit ». La Danse était toute sa Vie, elle sera son Eternité.