Festivals

Pétrarque, musique et poésie

Pour conclure la cinquième édition des Rencontres des Musiques Anciennes organisées par Odyssud, Emmanuel Gaillard invitait, le 3 mai dernier à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, le jeune ensemble vocal et instrumental La Main Harmonique, dirigé par Frédéric Bétous. Poésie et musique se partageaient le contenu d’un programme d’une parfaite cohérence et d’un extrême perfectionnisme. Le grand poète toscan Francesco Petrarca (Pétrarque) en constituait la substance et le fil rouge.

L’ensemble vocale et instrumental La Main Harmonique, dirigé par Frédéric Bétous

– Photo Classictoulouse –

Présenté avec talent et sensibilité par Jean-Luc Nardone, enseignant-chercheur à l’Université Toulouse le Mirail, ce programme est construit sur les musiques élaborées à partir d’un double recueil de poésies du grand Pétrarque. Ce recueil a été inspiré à leur auteur par son amour « au premier regard » pour une certaine Laure (Laura), croisée en Provence le 6 avril 1327 et emportée par la terrible épidémie de peste de 1348. Quelques deux siècles plus tard, deux compositeurs de la nouvelle école vénitienne, Adrian Willaert et Cipriano de Rore, se prennent de passion pour ces poèmes et décident de prolonger par leur propre musique celle que chantent les mots. Deux groupes de madrigaux de ces deux rénovateurs de l’art musical se partagent ainsi la soirée. Au premier groupe intitulé « In Vita di Madonna Laura » répond symétriquement le second « In Morte di Madonna Laura ». Ainsi s’opposent symboliquement vie et mort que sépare une très belle pièce d’aujourd’hui, signée du compositeur grec né en 1965, Alexandros Markeas. Les textes des madrigaux sont en outre judicieusement projetés sur écran.

La poésie imagée de Pétrarque a inspiré au Flamand mort à Venise Adrian Willaert, puis à son compatriote Cipriano de Rore, des madrigaux d’un suprême raffinement harmonique dont la rythmique suit magnifiquement le discours poétique. L’aboutissement polyphonique atteint des sommets de complexité. Les interprètes choisissent de répartir les voix entre chanteurs et instrumentistes. Ainsi, trois violes s’associent aux deux sopranos, au contre-ténor, aux deux ténors et aux deux basses. De 4 à 7 voix, ces pièces maintiennent un climat étrange de nostalgie, d’angoisse, de regrets, de douleur. Il faut un certain temps à l’auditeur pour pénétrer ce monde musical des « lamenti » que l’on retrouvera, un demi-siècle plus tard, dans certaines pièces de Monteverdi ou de Gesualdo. Puis l’atmosphère s’impose à soi. Sa permanence établit une complicité évidente entre interprètes et public. Chacun des deux recueils s’interrompt un fois pour laisser la parole aux instruments qui développent alors un Ricercare à trois voix tenues par un dessus de viole, un ténor de viole et une basse de viole. Le chant reste néanmoins présent.

Les trois violistes de l’ensemble : Myriam Rignol, Pau Marcos Vicens, Mathilde Vialle

– Photo Classictoulouse –

Un madrigal se détache de l’ensemble par son impact d’émotion. Mia benigna fortuna – Crudele acerba, comme un cri de douleur, réunit seulement un ténor et une soprano, soutenus par deux violes.

Chaque voix de l’ensemble possède ses propres caractéristiques, évitant ainsi opportunément l’effet de « chœur » qui n’aurait pas sa place ici.

La courte pièce d’Alexandros Markeas est conçue autour du vers de Louis Aragon « They said Laura was somebody else » (Ils ont dit que Laura était une autre). Aragon s’était en effet intéressé à Pétrarque dont il traduisit cinq de ses fameux sonnets. Markeas, dont on a pu apprécier récemment les œuvres présentes dans le projet Méditerranée Sacrée du chœur de chambre les éléments, joue ici avec les mots et les notes d’une façon particulièrement originale qui associe les rires et l’angoisse. Sa partition s’intègre à merveille au cœur de ce programme émouvant. A la fois lien et rupture, il témoigne en outre de l’ouverture d’esprit de La Main Harmonique, dirigée avec souplesse et rigueur par Frédéric Bétous.

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