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Les irrésistibles amours batraciennes de Platée

Les cinquièmes Rencontres des Musiques Anciennes d’Odyssud s’ouvraient, le 23 avril dernier, sur une production réjouissante du « ballet bouffon » (c’est l’appellation consacrée) Platée de Jean-Philippe Rameau. L’atmosphère vaguement pluvieuse de cette soirée s’accordait parfaitement avec cet ouvrage marécageux et néanmoins étonnamment burlesque d’un des compositeurs les plus raffinés de son siècle. L’ensemble vocal et instrumental « à bout de souffle », dirigé par Stéphane Delincak et un bataillon de solistes motivés animaient une mise en scène à la fois élaborée, imaginative et superbement déjantée de Patrick Abéjean.
Patrick Abéjean adapte à notre temps cette légende étonnante, parodie narquoise de la tragédie lyrique à la Lully, qui narre les amours illégitimes, dignes d’un théâtre de boulevard, de Jupiter et de la nymphe Platée. Tout commence avec l’arrivée, par la salle, d’une bande de randonneurs passablement éméchés. Ils célèbrent, en toute légitimité, la cause du dieu Bacchus. Le projet du divertissement est ourdi entre l’inventeur de la comédie, Thespis, et le dieu de la satire, Momus.

Imagination, vitalité, cohérence construisent alors un spectacle irrésistible qui déclenche d’inextinguibles fous rires.

Le faux mariage de la grenouille. De gauche à droite : Pierre-Emmanuel Roubet (Mercure), Emmanuel Gardeil (Jupiter), Paul Cremazy (Platée), Cécile Larroche (L’Amour)

– Photo Patrick Riou –

Un nuage de ballons immaculés cache et transforme habilement le dieu des dieux aux yeux de la trop crédule Platée. L’apparition des « fausses Grâces », trois hommes dûment numérotés aux physiques « contrastés », déclenche d’irrésistibles éclats de rire. Les gags les plus inattendus se succèdent. Les personnages s’affrontent, se font complices, se combattent (cette propension des personnages secondaires à vouloir à tout prix occuper le devant de la scène !) dans un déploiement imprégné d’une saine bouffonnerie. Avec peu de moyens Patrick Abéjean bâtit un véritable spectacle musical qui réjouit l’esprit et le cœur.

La face musicale de la production n’est absolument pas en reste. L’orchestre, constitué ici de dix-huit musiciens de qualité, sonne avec cette verdeur, ce fruité imputable aux instruments anciens habilement joués. Stéphane Delincak anime le rythme avec finesse, soulignant le caractère chorégraphique de la musique de Rameau, alors que le continuo soutient les récitatifs avec autorité.

La scène de la Folie. Aurélie Fargues entourée du choeur « à bout de souffle »

– Photo Patrick Riou –

Chaque personnage est interprété avec conviction, aussi bien vocalement que physiquement. Le charme irrésistible et touchant de la grenouille, habilement incarnée par Paul Crémazy, plus ténor que véritable haute-contre, se confronte au Jupiter sonore de la basse Emmanuel Gardeil. Aux côtés de la Junon de Stéphanie Barreau, Cécile Larroche, au timbre cristallin, est à la fois Clarine et L’Amour, alors que Jean-Manuel Candenot prête sa voix sombre et ample au personnage clé de Cithéron et qu’Omar Hasan est un Momus à l’impressionnante carrure. Deux voix se distinguent avec panache, celle bien timbrée et subtilement menée du ténor Pierre-Emmanuel Roubet, Mercure très à l’aise dans son blouson de cuir et ses santiags, et celle aérienne et virtuose d’Aurélie Fargues, Thalie et surtout impressionnante Folie. Il faut enfin rendre hommage au chœur amateur « à bout de souffle » pour sa justesse, sa cohésion, mais aussi son implication dramatique déterminante. Il constitue probablement le personnage principal de la production.

Une véritable ovation salue ce spectacle aussi réjouissant scéniquement que musicalement bien conçu.

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