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Bach à la source

En prélude à cet incroyable et iconoclaste festival « Passe ton Bach d’abord », l’Ensemble Baroque de Toulouse, instruments et voix réunis sous la direction passionnée de Michel Brun, offrait, le vendredi 5 juin en la cathédrale Saint-Etienne, une exécution fervente du grand œuvre de Johann Sebastian : sa Messe en si mineur, ouvrage fondateur, synthèse de l’art sacré de son temps.
Rappelons que cette partition emblématique, d’une formidable cohérence musicale, est en fait un assemblage de diverses pages puisées dans des ouvrages antérieurs du compositeur et réécrites par lui selon le procédé dit de la parodie, consistant à insérer de nouvelles paroles sur une musique existante. Ainsi, le Crucifixus est issu de la cantate BWV 12, l’Osanna est repris de la cantate BWV 215, l’Agnus Dei provient quant à lui de l’oratorio de l’Ascension. Seul un tiers de l’œuvre environ est constitué de compositions « originales ». La tonalité de si mineur qui caractérise toute l’œuvre, est celle de la première pièce (Kyrie eleison), alors que les autres numéros sont, à l’exception du n° 26 (Agnus Dei, en sol mineur), dans des tons voisins, particulièrement dans la gamme relative de ré majeur, la tonalité favorite des trompettes naturelles.

L’Ensemble Baroque de Toulouse, dirigé par Michel Brun, lors de l’exécution de

la Messe en si mineur de Johann Sebastian Bach – Photo Classictoulouse –

Dans une cathédrale pleine à craquer, le chœur, les musiciens de l’Ensemble Baroque de Toulouse et les cinq chanteurs solistes abordent la Messe dans une tension poétique que Michel Blanc suscite avec passion et conviction. Le long Kyrie introduit cette magie de l’éternité qu’incarne si bien, sur le ton de l’ironie, le thème de cette 8ème édition du festival : « Vers l’infini et au-delà » ! Le duo des deux sopranos, Eliette Parmentier et Rany Boechat, colore ce premier épisode d’une touchante humanité. Dès le Gloria, l’éclat des trompettes naturelles, admirables de précision et de timbre, soutenues par une vigoureuse timbale, souligne, incarne même, l’ardeur de la louange. La transition vers l’ineffable Et in terra pax agit comme un baume sur l’esprit. Après l’incroyable duo entre la soprano II (excellente Rany Boechat) et le violon solo (Christophe Robert, précis et volubile), le ténor, François Rougier, associé à la soprano I, Eliette Parmentier, puis la voix d’alto de Caroline Champy Tursun prolongent cette ferveur de chaque instant. Le fameux air de basse, Quoniam tu solus sanctus, entonné avec fermeté par Laurent Labarbe est accompagné de son redoutable solo de cor (Jean-Baptiste Lapierre, également troisième trompette).

La polyphonie complexe du Credo, parfaitement organisée, ouvre la deuxième partie dans laquelle le chœur devient l’acteur principal. Une fonction que les chanteurs de l’ensemble assument avec conviction et professionnalisme.

Les interprètes de la Messe en si mineur de Bach
à l’issue du concert

– Photo Classictoulouse –

Avant et après le Benedictus angélique du ténor, admirons la finesse des nuances que Michel Brun suscite dans l’Osanna, ainsi que la touchante imploration de l’Agnus Dei, portée par le beau timbre d’alto de Caroline Champy Tursun.

Lorsque s’élève enfin le thème ascendant du Dona nobis pacem, la lumière se fait. La première trompette de Serge Tizac tient le flambeau, soutenue par celle de Patrick Pagès, jusqu’aux confins de la tessiture. Rendons grâce au public de la cathédrale qui retient ses applaudissements les quelques secondes nécessaires au retour sur terre.

L’ensemble des bois, basson, hautbois et hautbois d’amour, flûtes, judicieusement rassemblés au premier rang du dispositif instrumental, déploie une belle finesse de jeu, admirablement combinée aux phrasés vivants et bien rythmés des cordes et du continuo.

Voici qui ouvre avec une humaine solennité les festivités de ce 8ème « Passe ton Bach d’abord ». De belles promesses de bonheur musical.

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