Festivals

Piano majeur

La première apparition, en 1991, au festival Piano aux Jacobins, du tout jeune Argentin de vingt-deux ans avait révélé un talent particulièrement prometteur. Cette cinquième participation « jacobine » de Nelson Goerner consacre un artiste de tout premier plan. Le 6 septembre, le cloître accueillait son programme musical intelligent et sensible, assumé avec panache et profondeur.
Faut-il rappeler l’apport de l’école argentine au monde du piano ? Il suffit d’évoquer les noms prestigieux de Claudio Arrau ou de Martha Argerich pour en apprécier l’ampleur. Celui de Nelson Goerner rejoint cette prestigieuse lignée. La qualité première, immédiatement perceptible, de ce grand artiste réside probablement dans la richesse sans limite de sa palette de nuances, de timbres, de couleurs. Son toucher, véritable pinceau de peintre, s’il évoque les grandes orgues dans les déchaînements sonores, sait de faire de velours. Et puis, bien sûr, l’artiste place ses qualités techniques impressionnantes, admirablement contrôlées, au service d’une conception élaborée de chaque œuvre.

Le pianiste argentin Nelson Goerner pendant son récital du 6 septembre 2012

– Photo Jean-Claude Meauxsoone –

La Partita n° 6 en mi mineur de Johann Sebastian Bach constitue le socle initial de son programme toulousain. Les premiers accords de la Toccata, impérialement délivrés, conduisent à la fugue dont l’interprète éclaire la complexité du déroulement. Autre qualité souveraine de Nelson Goerner, la lisibilité du texte musical, indispensable en particulier ici, rend justice à la richesse d’une écriture foisonnante. Chaque entrée de voix se détache dans la transparence du discours. L’élégance de l’Allemande, l’énergie ailée de la Courante vif argent, conduisent à la vitalité de l’Air et surtout à la lente déploration d’une poignante Sarabande. Les deux mouvements finaux, essence même de la danse, s’achèvent sur l’irrésistible montée vers la lumière de la Gigue. Tout au long de cette pièce majeure, conçue pour un tout autre clavier que celui de son rutilant Steinway, l’interprète pratique avec une grande intelligence l’art raffiné de la registration, à la manière d’un organiste ou d’un claveciniste, sans pour autant « imiter » les sonorités des instruments baroques.

Une grande œuvre rare de Mendelssohn, sa Fantaisie en fa dièse mineur op. 28, complète la première partie. Mendelssohn après Bach, quoi de plus logique lorsqu’on connaît l’admiration du jeune Felix pour l’auteur des Passions. Dédié par le compositeur de 22 ans au pianiste virtuose Ignaz Moscheles, ce triptyque est écrit comme une brillante improvisation que Nelson Goerner mène avec toute la folie généreuse qui l’anime. La transition entre le charme de l’Andante et l’exubérance flamboyante du Presto final constitue le point stratégique de toute la pièce dont le pianiste exalte le caractère imaginatif et fulgurant.

Chopin et l’intégrale des 24 Préludes op. 28 (tiens, le même opus que pour l’œuvre de Mendelssohn…) occupe toute la seconde partie de la soirée. L’incroyable palette de couleurs et de nuances évoquée plus haut trouve ici son aboutissement. L’interprète raconte une histoire à son auditoire. S’il confère à chaque pièce son caractère propre (et la variété des expressions est extrême) il n’en conduit pas moins l’ensemble comme un même paysage sous des éclairages différents suggérés par un travail admirable sur les phrasés. Tour à tour confidences intimes et explosions de révolte se succèdent dans un climat de ferveur intense. L’émotion naît à chaque détour de ces phrases qui ont inspiré à Proust ces vers si touchants :

« Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots

Qu’un vol de papillons sans se poser traverse

Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots. »
Ardemment sollicité par le public, l’interprète prolonge encore la soirée avec la magie du Prélude de Debussy « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir », suivi d’un autre Prélude, flamboyant celui-là, de Rachmaninoff, pour enfin revenir au calme poétique d’un Nocturne de Chopin. Une certaine image du bonheur…

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