Pour sa troisième apparition au festival de Peralada, le ténor allemand Jonas Kaufmann a rempli l’Auditorium à ras bord. A vrai dire, le fait était couru d’avance tant son seul nom suffit aujourd’hui à faire rêver les mélomanes.
Si l’on peut regretter un accompagnement orchestral vraiment moyen (Orchestre du Real de Madrid sous la direction de Jochen Rieder), on ne peut que tomber à genoux devant la performance artistique de ce ténor devenu légendaire de son vivant.
Jonas Kaufmann – Photo Miquel Gonzalez –
Le programme franco-allemand conjugue Gounod, Bizet, Halévy, Massenet et Wagner. Du répertoire hexagonal choisi ce soir, seul Don José (Carmen) est l’un des titres « signature » de Jonas Kaufmann. Et il faut bien reconnaître que, si l’on excepte Charles Castronovo, nul ne peut l’approcher dans cet air de la Fleur phrasé à la perfection, dans un français irréprochable et une musicalité qui n’a d’égale que la formidable émotion que le ténor fait naître derrière chaque note. Un must dont on ne se lasse pas. Il y a une dizaine d’années, cet artiste comptait aborder Roméo et Juliette à la Fenice de Venise. Ce projet n’aboutit pas et n’eût pas de suite. Aujourd’hui il semblerait périlleux pour ce chanteur, vu son répertoire actuel, de se lancer dans ce rôle. Malgré tout, Ah, lève-toi soleil qui ouvre le programme nous montre combien cet air archi rabâché peut contenir de subtilités en termes de dynamiques et de couleurs. Bien que ne les ayant jamais abordés à la scène, les personnages d’Eleazar (La Juive) et du Cid semblent de nos jours correspondre davantage à l’évolution vocale de ce ténor. Homogénéité des registres, puissance de projection, contrôle du souffle, prosodie, musicalité, couleurs, tout est réuni pour en faire un interprète de référence. Hélas, ce n’est pas dans ses projets… Savourons donc ce désespéré Rachel, quand du Seigneur et ce pathétique Ô Souverain qui nous laissent d’autant plus de regrets…
Jonas Kaufmann – Photo Miquel Gonzalez –
La seconde partie du programme est entièrement consacrée au Magicien de Bayreuth. Jonas Kaufmann est ici totalement dans son répertoire scénique. Tout d’abord Ein Schwert verhiess mir der Vater et ses Wälse hallucinants de longueur, mais on le sait, son Siegmund (La Walkyrie) est un modèle d’intelligence. Suit le Chant de Concours de Walther des Maîtres chanteurs de Nuremberg, d’un lyrisme solaire, enfin l’autre « signature » de cet artiste, Lohengrin et In fernem land murmuré à l’oreille de chaque auditeur. Un moment d’une émotion et d’une grâce infinies. Du très grand art !
Sous des tonnerres d’applaudissements, Jonas Kaufmann revient et nous offre une troisième partie dans laquelle il est Werther (Pourquoi me réveiller), puis à nouveau Siegmund mais avec son Chant du printemps, enfin, en hommage à la fondatrice du festival récemment disparue, Carmen Mateu, ce sera l’un des Wesendonck Lieder : Träume (Rêves).
La soirée s’achève ainsi, sous les étoiles, dans les étoiles, parmi les étoiles. Le bonheur à l’état pur.