Festivals

Ferveur musicale

Au cours de la soirée du 16 juillet dernier, le festival Toulouse d’Eté accueillait le grand pianiste Philippe Cassard et le jeune et déjà prestigieux quatuor à cordes Amedeo Modigliani. Du premier on connaît, outre le grand talent, les passionnantes interventions sur l’antenne de France Musique, au service de l’analyse des chefs-d’œuvre pianistiques. Du second, le public toulousain a déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’admirer les immenses qualités, rarement réunies si tôt chez d’aussi jeunes artistes. La salle capitulaire du cloître des Jacobins est ainsi devenue le lieu de rencontre de ces musiciens autour d’un programme d’une qualité rare.

Les musiciens du Quatuor Modigliani. De gauche à droite :
Laurent Marfaing (alto),

François Kieffer (violoncelle), Philippe Bernhard et Loïc Rio (violons)

– Photo Andrew French –

Séparés au cours de la première partie, le pianiste et le quatuor se retrouvent finalement lors de la seconde. Les Modigliani ouvrent le concert sur le somptueux quatuor en la mineur op. 13 composé par Mendelssohn avec, dans le cœur et l’esprit, le souvenir ardent de Beethoven. Cette partition inspirée, à la fois exubérante et concentrée, bouillonne d’idées et d’affects. L’introduction Adagio du premier volet, belle à pleurer, fonde toute l’œuvre. Les interprètes y déploient d’emblée une sensibilité d’autant plus efficace qu’elle reste retenue. Tout au long des quatre mouvements, l’unité est maintenue alors que chaque épisode possède sa propre caractéristique. Les quatre musiciens respirent d’un même souffle, s’interpellent, se répondent, animent une véritable discussion à égalité d’intervention. On frémit au drame qui éclate au cœur de l’Adagio non lento et le retour du motif cyclique, profondément tragique à la conclusion du Presto final, émeut aux larmes.

Le pianiste Philippe Cassard – Photo Vincent Catala –

Philippe Cassard offre ensuite huit des quelques cinquante « Romances sans paroles » que Mendelssohn ne cessa de composer tout au long de sa courte existence comme on écrit un journal. Cette succession de lieder confiés au seul piano révèle une intimité touchante, une invention de chaque instant que le pianiste fait siennes. Son jeu passionné, s’il caractérise avec force chaque pièce, établit un lien invisible entre elles. Ainsi, après la très schumanienne Romance n° 1 en mi majeur du premier cahier, se succèdent les pièces d’une mosaïque de sentiments, d’expressions qui ravissent le cœur et l’esprit. On admire l’aspect ludique qui imprègne toute la n° 5 en la majeur du huitième cahier, l’allure fantasque de la n° 2 en mi bémol du quatrième cahier pour admirer finalement la volubilité exubérante de la célèbre « Fileuse » (n° 4 en ut majeur du sixième cahier).

Les cinq artistes se retrouvent enfin pour explorer les beautés du Quintette pour piano et cordes de Schumann. Passion et ferveur animent le discours et les échanges qui fusent avec un naturel étonnant entre les protagonistes de cette véritable aventure. Les grands moments de cette exécution à la fois calculée et néanmoins apparemment spontanée sont nombreux. Retenons la tragique évocation du deuxième volet, hommage évident à la Marche funèbre de la Symphonie Héroïque de Beethoven, ainsi que la tempête passionnée qui conclut le Scherzo, au point de déclencher dans l’assistance une salve prématurée d’applaudissements ! Le jeu de l’Allegro conclusif met un point final à cette belle aventure, ardente et musicale. Triomphe public bien mérité !

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