L’année 2019 marque le vingtième anniversaire de la disparition de Louis Thomas Hardin, plus connu sous le nom de Moondog (chien de lune). Ce personnage extraordinaire qui a marqué le vingtième siècle est l’objet d’une célébration particulière du milieu musical toulousain tout au long de la saison 2018-2019. Chaque institution musicale de la cité dédie un événement au « Clochard céleste », également baptisé « le Viking de la 6ème avenue » ! L’ouverture de cette célébration a fait l’objet, le 8 septembre dernier d’un concert donné dans le cadre du festival international Piano aux Jacobins précédé d’une conférence sur l’ensemble des manifestations de cette saison Moondog.
Le 8 septembre 1999 disparait à Münster ce musicien hors norme né 83 ans plus tôt à Marysville. Le 8 septembre 2018 s’ouvre l’hommage que Toulouse lui rend. En prélude au récital donné par le pianiste et compositeur électroacoustique français Nicolas Horvath, la librairie Ombres Blanches accueille les artisans les plus impliqués dans la réalisation de cette saison d’hommage, Hervé Bordier, fondateur du Métronum, animateur du festival Rio Loco et directeur artistique de la manifestation, ainsi qu’Amaury Cornut, musicien, producteur et conférencier, auteur d’un ouvrage fondateur sur le personnage et le mythe Moondog et conseiller artistique de l’année Moondog.
Encadrant la photo de Moondog, de gauche à droite : Hervé Bordier et Amaury Cornut
– Photo Classictoulouse –
En quelques minutes, Amaury Cornut parvient à résumer l’existence ahurissante de ce fils d’un pasteur et d’une organiste du Kansas, qu’une explosion rend aveugle à l’âge de seize ans. On suit ainsi les étapes d’une vie incroyable qui se déroule tout d’abord à New York, où il passe ses jours et ses nuits dans la rue, sous des porches, comme un « homeless », et finit par adopter une tenue extravagante de Viking (casque et lance !) qui le rend célèbre. Les liens qu’il tisse avec le milieu musical classique new-yorkais s’avèrent déterminants pour son travail de compositeur. Puis, au milieu des années 70, il part pour l’Europe et réside en particulier en Allemagne, pays de son idole, Johann Sebastian Bach. Il connait alors la célébrité qui l’incite à composer de plus en plus dans tous les styles, y compris par ordinateur. Des extraits musicaux significatifs permettent au public présent et captivé de se familiariser avec les diverses facettes de la production musicale de ce personnage caméléon.
Amaury Cornut évoque ensuite la trentaine d’événements Moondog de la saison 2018-2019, à commencer par l’implication des deux festivals internationaux qui ouvrent la saison toulousaine, Piano aux Jacobins et Toulouse les Orgues.
C’est à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines que s’ouvre ensuite le premier concert de cette manifestation.
Le pianiste Nicolas Horvath – Photo Classictoulouse –
Nicolas Horvath et l’Art du Canon
A l’image de Moondog, Nicolas Horvath est considéré comme un artiste hors norme au parcours atypique. Outre des études académiques riches débutées à l’Académie de musique Prince Rainier III de Monaco, il côtoie de grands représentants du piano comme Bruno-Leonardo Gelber ou Philippe Entremont. Lauréat d’une dizaine de concours internationaux, il se passionne pour la musique de notre temps et en particulier pour les compositeurs minimalistes américains comme Steve Reich, Philip Glass ou Terry Riley.
Il choisit pour son récital toulousain d’investir la musique conçue par Moondog lors de son séjour sur les trottoirs new-yorkais, une série de « canons » regroupés en trois livres intitulés « Art of the Canon, Book 1, Book 2, Book 3 ». La recherche, de la part du compositeur, d’une analogie assumée avec « L’Art de la Fugue » de Johann Sebastian Bach apparaît évidente.
Et en effet, chaque pièce, parfois très courte, explore le monde du contrepoint, de manière académique certes, mais avec quelques spécificités étranges, notamment concernant la superposition de cellules rythmiques particulièrement originales.
Une certaine austérité se dégage du jeu de Nicolas Horvath qui, au-delà de quelques notes manquées, se garde de tout romantisme. Les trois recueils sont ainsi délivrés dans une certaine contance des phrasés, essentiellement détachés. L’aboutissement de cette démarche se conclut sur « The great Canon », une pièce très développée, contrairement aux autre canons. Virtuose et, comme l’indique l’interprète, proche de la manière dont Ferruccio Busoni a « adapté » Bach. Ce grand développement conclut avec éclat le premier événement Moondog. Néanmoins, Nicolas Horvath offre un bis qui reste fidèle au monde du minimalisme américain, avec la 2ème Etude de Phil Glass, dans laquelle il déploie une belle énergie et un sens admirable de la couleur.
La suite de l’hommage permettra d’explorer les multiples facettes d’un monde musical à redécouvrir.